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Tshisekedi-Kagamé : une relation de confiance est-elle envisageable ?

Tshisekedi-Kagamé : une relation de confiance est-elle envisageable ?

Depuis plusieurs semaines, l’escalade militaire à la frontière congo-rwandaise s’intensifie et la crispation du dialogue entre les deux présidents Félix Tshisekedi (République démocratique du Congo) et Paul Kagamé (Rwanda) est palpable. Afin d’apaiser ces tensions, le président angolais Joao Lourenço, sous l’égide de l’Union africaine, a accueilli à Luanda mercredi 6 juillet les deux chefs d’État.

 

Depuis novembre 2021, les forces armées congolaises affrontent le M23 (Mouvement du 23 mars) à l’Est du pays (Nord-Kivu). Défait en 2013 et de nouveau actif depuis 2017, le M23 est un groupe armé tutsi créé au lendemain de la guerre du Kivu. Sa proximité avec le voisin rwandais a conduit Felix Tshisekedi ainsi qu’une partie de la communauté internationale à accuser le Rwanda de soutenir le mouvement. Une assertion jugée fausse par le pays qui nie toute implication dans les activités du groupe.

 

Déterminé à mettre fin à ce conflit, le chef du pouvoir congolais, Félix Tshisekedi s’est dit prêt à « [prendre] des mesures » si « les choses se [gâtaient] » avant d’ajouter : « la RDC ne restera pas les bras croisés face aux attaques du M23 appuyé par l’armée rwandaise […] Si la provocation du Rwanda continue, nous ne resterons pas assis sans rien faire. Nous ne sommes pas faibles ». Même son de cloche chez Paul Kagamé qui s’est dit « prêt au pire » si les choses ne s’arrangeaient pas.

 

Une tension à son paroxysme donc, mais qui n’a pas empêché les deux chefs d’État de dialoguer pour tenter de l’apaiser. 

 

« Il y a eu l’intention manifeste d’avancer et de mettre fin à cette crise », Félix Tshisekedi 

« J’ai le plaisir d’annoncer que nous avons obtenu des résultats positifs (…) dans la mesure où nous nous sommes mis d’accord sur un cessez-le-feu, entre autres mesures », a annoncé le président Lourenço à la fin de la réunion. Le président congolais a quant à lui relevé « l’intention manifeste d’avancer et de mettre fin à cette crise ».

 

En effet, la RDC a obtenu sur le papier la cessation des hostilités au Nord-Kivu et en Ituri ainsi que le retrait du M23 du territoire ; une avancée considérable. Ce retrait pourrait « créer les conditions pour résoudre la crise sécuritaire dans l’Est » et atteindre « le rétablissement d’un climat de confiance entre les États de la région » estime Christophe Lutundula, ministre congolais des Affaires étrangères. Il a également été décidé que la question du M23 sera abordée plus en profondeur à l’occasion des discussions de Nairobi, initiées par les présidents congolais et kényan pour négocier la paix avec les groupes armés présents au Congo. Du côté rwandais, la télévision publique a annoncé « l’adoption d’une feuille de route pour la désescalade des hostilités ».

 

Pour le journal congolais Le Maximum, l’obtention par la RDC du retrait du M23 sonne comme « une reconnaissance de la paternité du mouvement terroriste par Kigali » et donc « comme une victoire de la RDC à l’issue de cette rencontre ».

 

 

Une feuille de route ambitieuse

 

Le gouvernement rwandais n’est pas non plus le grand perdant de cette réunion. D’après les autorités de Kigali, la feuille de route établie à Luanda prévoit également « la résolution de la question des FDLR[1] ». A ce sujet, Christophe Lutundula précise que « le Rwanda a accepté aussi que des FDLR allaient pouvoir rentrer [au Rwanda], et c’est une première ». Toujours dans le but de réinstaurer la confiance et le dialogue entre les deux pays, la feuille de route prévoit la relance de la commission mixte RDC-Rwanda dont le premier rendez-vous a été fixé à la fin du mois de juillet.

 

Le sujet épineux de l’exploitation des ressources naturelles à l’Est de la RDC fait également partie de la feuille de route. Il y est précisé que l’exploitation des ressources naturelles « doit se faire dans le strict respect de la souveraineté des États ». Une mention importante pour le président congolais qui parle ouvertement de « guerre économique pour la bataille des ressources ». En effet, un rapport du groupe d’experts de l’ONU accuse le Rwanda ainsi que l’Ouganda d’être impliqués dans l’exploitation des ressources congolaises (or, coltan diamants). Quant à l’ONG Global Witness, spécialiste de la lutte contre le pillage des ressources naturelles et de la corruption, elle affirme que « 90% des quantités de coltan d’étain et de tungstène (…) exportés par le Rwanda, sont introduits illégalement à partir de la RDC ».

 

Ces allégations de pillage des ressources ne font qu’accréditer le lien probable qui unit le Rwanda et le groupe armé tusti. Puisque plus qu’un intérêt politique, un intérêt économique pourrait se jouer dans cette région du Congo. De son côté le M23, en dépit des engagements pris par les chefs d’État, ne semble pas enclin à la désescalade. Difficile donc d’imaginer un cessez-le-feu dans de telles conditions.

 

 

[1] Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) sont un groupe armé hutu, actif en RDC depuis les années 2000.

Publié le 20 juillet 2022 à 8 h 54 min par Rédaction

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