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Congo : le Katanga renoue avec l’industrie bovine

Congo : le Katanga renoue avec l’industrie bovine

Depuis la fin de l’âge d’or de l’élevage bovin au Katanga dans les années 1990, peu de ranchs demeurent. Par manque de clientèle, d’infrastructures ou de capacité à se réinventer, l’industrie agro-alimentaire de cette province du sud de la RDC s’est progressivement réduite à sa portion congrue. Pourtant, plusieurs entreprises tentent de réinventer ce secteur qui pourrait à terme transformer l’économie régionale.

 

La disparition progressive d’une économie régionale vitale

L’industrie bovine katangaise s’est progressivement réduite au fil des années, alors qu’elle concentrait à la fin des années 1980 plus de 75% des élevages du pays. Parmi les ranchs toujours actifs, les Elevages Van Gysel ou les Grands Elevages de Katongola font office de survivants dans une industrie qui a fortement souffert depuis les années 1990. La crise économique, la faillite des sociétés nationales (Gécamines, SNCC, Miba…) ont entraîné une chute massive du niveau de vie dans la région, encore appauvrie par une forte insécurité entre 1998 et 2002.

Pourtant, le Katanga est propice au développement d’une industrie agro-alimentaire : 10% de ce territoire, soit 5 millions d’hectares (dont 1,8 million en pâturages naturels) sont adaptés aux pâturages. Les autorités lancent régulièrement des plans de développement économique dans la région. Le gouverneur du Haut-Katanga, Jacques Kyabula Katwe, annonçait ainsi en avril 2021 la relance par les autorités de la ferme de Ndakata, qui s’étend sur une superficie de 2100 hectares dans le Territoire de Kambove.

Plus largement, les autorités avaient annoncé en 2015 des campagnes d’insémination artificielle sur 5 ans, concernant 1 000 à 2 000 vaches, ainsi qu’un programme d’appui aux inspections sanitaires, des aides financières de 5 000 à 15 000 USD aux éleveurs et la fourniture d’intrants. En parallèle, plusieurs investisseurs privés sud-africains et zimbabwéens, tentent également depuis quelques années de s’implanter sur ce marché.

 

Le renouveau des ranchs katangais

 

Dans le petit cercle des ranchs qui pourraient connaitre une croissance rapide, les Grands Élevages de Katongola, dits Grelka, sont devenus en quelques années l’un des principaux producteurs de viande bovine de la région, approvisionnant Lubumbashi, Likasi et Kolwezi, et en partie le Kasaï-Oriental. La production est destinée à une consommation locale, un choix assumé de George Forrest, fondateur du conglomérat congolais Groupe Forrest International (GFI) et propriétaire personnel du ranch. Pour ce dernier, il s’agit d’abord d’un investissement d’avenir ; l’élevage bovin est pour lui le futur filon économique congolais, capable de détrôner à terme l’industrie minière.

Les ranchs Grelka sont progressivement devenus un pivot de l’économie locale et de la vie sociale des localités de la région, finançant notamment des écoles, des centres médicaux à disposition des travailleurs et de leurs familles. George Forrest a choisi de privilégier un développement durable et un élevage extensif pour son troupeau, en laissant les bêtes pâturer librement, un choix qui nécessite un espace conséquent pour nourrir l’ensemble du cheptel qui s’est stabilisé à 32 000 têtes après une croissance ininterrompue depuis son rachat en 2006. 480 000 hectares sont ainsi dévolus à cet élevage, situés sur les plateaux du territoire de Kamina. Une localisation idéale pour les bovins, qui jouissent d’un environnement non pollué.

Le choix de cette localisation présente néanmoins des difficultés logistiques pour l’entrepreneur et son équipe, confrontés au manque d’infrastructures routières capables d’acheminer les bêtes vers les lieux de vente. Pour y répondre, Grelka a repris le trek, cette longue pérégrination depuis les lieux de pâturage jusqu’aux points de vente.

Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga (2007-2015), et potentiel candidat à la présidence à la tête de son parti « Ensemble pour la République », a fait du développement de liaisons terrestres dans cette province enclavée son cheval de bataille, inscrivant au premier plan de ses ambitions le développement d’infrastructures routières dans la région, afin de pouvoir canaliser les productions agro-alimentaires vers les centres urbains.

 

 

Naissance d’un géant de l’agro-alimentaire congolais

 

En décembre 2021, Grelka a annoncé sa fusion avec les actifs agro-industriels de la famille Khabirpour et de l’allemand Kirsten Pucks pour créer GoCongo Holding. L’objectif : fonder un nouveau groupe capable de subvenir aux besoins alimentaires du pays. Au ranch de Grelka se sont ainsi ajoutés la culture et la transformation du maïs, celle du blé, la production de biscuits, et bientôt la production d’huiles comestibles, avec la première usine de mayonnaise du Congo. GoCongo a également signé un partenariat avec le holding Floridienne pour la culture de la papaye.  Poursuivant son expansion, GoCongo a acquis en mars 2022 l’un de ses principaux concurrents, la Pastorale du Haut-Lomani, à la tête de 24 000 bovins et de 250 000 hectares au nord de Kamina.  Selon Aziz Khabirpour, cet investissement permettra un développement général de l’élevage bovin au Katanga, et doit soutenir un programme d’investissements régionaux.

Les deux entrepreneurs ont d’ores et déjà annoncé leur volonté d’investir une partie de leurs bénéfices dans la reforestation du pays, ainsi que dans un programme de capture de CO2. Une partie de ces bénéfices devrait également être reversée aux 14 écoles actuellement gérées par la nouvelle entité, qui pourraient être transformées en centres de formation professionnelle dans le secteur de l’agriculture. Des investissements croissants qui témoignent d’une volonté de développement de l’autosuffisance alimentaire du pays, qui importe encore une majeure partie de son alimentation.

Publié le 29 mars 2022 à 14 h 53 min par Rédaction

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