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Le Burundi et le Rwanda en voie de réconciliation

Le Burundi et le Rwanda en voie de réconciliation

Depuis que le Burundi a accusé le Rwanda de soutenir une tentative de coup d’État contre lui en 2015, les relations entre les deux pays sont difficiles. La plupart des acteurs militaires et politiques burundais soupçonnés d’avoir fomenté le coup d’État ont obtenu le statut de réfugié au Rwanda, ce qui a envenimé les relations. Mais les dialogues ont repris, et leur relation s’est réchauffée, dans une certaine mesure.

Des responsables des deux pays se sont rencontrés au niveau du renseignement militaire, des gouverneurs de province, des ministres des Affaires étrangères et des présidents de sénat. Le Premier ministre rwandais Edouard Ngirente a même participé à la 59e célébration du jour de l’indépendance du Burundi, où le président burundais Évariste Ndayishimiye s’est engagé à rétablir les liens avec son voisin du nord.

La plupart des questions litigieuses entre eux semblent avoir été résolues, y compris la demande controversée des autorités burundaises de remettre les putschistes. La réouverture complète de la frontière entre les deux pays (fermée en 2015) et une rencontre de leurs deux dirigeants scelleraient un rapprochement que souhaitent les populations de part et d’autre.

Mais tout n’est pas simple. Les deux gouvernements travaillent sur un nouveau chapitre de leurs relations, mais se heurtent à une opposition féroce. La méfiance entre les deux nations sert les intérêts d’un large éventail d’acteurs étatiques et non étatiques, à l’intérieur et à l’extérieur des deux pays. Ces acteurs provoquent l’instabilité par la désinformation et les discours de haine, soutenant des groupes armés par procuration et créant l’insécurité au Rwanda et au Burundi.

Endiguer les menaces qui pèsent sur la région

L’histoire des conflits violents dans les deux pays et dans la région des Grands Lacs a produit des dizaines de milliers de réfugiés, dont certains ont formé des groupes rebelles déterminés à renverser les gouvernements en place. Selon les alliances et les dynamiques sociopolitiques qui prévalent, plusieurs de ces groupes bénéficient d’un soutien plus ou moins ouvert des gouvernements régionaux, alimentant la méfiance entre les deux pays.

Les gouvernements du Rwanda et du Burundi sont nés d’oppositions armées similaires en exil. Ils ont beaucoup en commun, et travailler ensemble pourrait endiguer les menaces qui pèsent sur la région. D’autres parallèles incluent leur tissu ethnique, leur forte densité de population et la rareté des terres, ainsi que la proximité de la province orientale mal gouvernée de la République démocratique du Congo (RDC). Surtout, ils partagent une histoire coloniale similaire et un héritage de guerre profond qui façonne leur histoire politique et leur politique étrangère.

Le Conseil National Pour la Défense de la Démocratie au pouvoir au Burundi, est un ancien mouvement rebelle majoritairement hutu qui a lutté contre un régime dominé par les Tutsi. Les extrémistes hutus au Burundi pensent que le Rwanda est dominé par l’ethnie suprémaciste Tutsi et que le Rwanda ne se reposera pas tant qu’il n’y aura pas un régime tutsi au Burundi.

Au Rwanda, le Front patriotique rwandais au pouvoir est une ancienne rébellion dirigée par les Tutsis qui a pris le pouvoir en 1994, mettant fin à un génocide perpétré par l’ancien régime dominé par les Hutus à Kigali. Les extrémistes au Rwanda voient dans les Hutus au pouvoir au Burundi des individus qui partagent la même idéologie que les Hutus rwandais qui ont commis le génocide de 1994 contre les Tutsis. Les extrémistes tutsis burundais, dont certains ont fui au Rwanda et dans la diaspora, alimentent constamment ce récit.

Instaurer un climat de confiance nécessaire

Les Nations Unies et l’Union africaine (UA) tentent de favoriser la stabilité dans la région des Grands Lacs. La relance de la sécurité régionale et la réactivation de la Communauté économique des pays des Grands Lacs dépendront en grande partie d’une relation étroite entre le Rwanda et le Burundi.

Le rétablissement des contacts à plusieurs niveaux entre les deux gouvernements contribuera grandement à instaurer la confiance nécessaire pour relever les nombreux défis auxquels les deux pays sont confrontés. Il s’agit notamment de l’insécurité aux frontières, du changement climatique et de la perte de revenus causée par le commerce transfrontalier illégal. Mais pour garantir des améliorations durables, les questions litigieuses doivent être résolues lors de réunions de haut niveau des deux gouvernements.

L’octroi par le Rwanda du statut de réfugié à la plupart des auteurs présumés du coup d’État de 2015 en est un exemple. Dans une interview de mai 2021, le président rwandais Paul Kagame s’est dit prêt à extrader les réfugiés vers le Burundi. Mais lors d’une récente réunion avec le corps diplomatique à Gitega, la capitale du Burundi, le ministre des Affaires étrangères Albert Shingiro a déclaré qu’une telle passation serait la dernière étape vers une normalisation complète.

L’UA, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs devraient encourager un règlement conforme aux cadres juridiques africains, tels que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ou la Convention de l’Organisation de l’unité africaine sur les réfugiés. Le Rwanda et le Burundi pourraient envisager de mettre en place un mécanisme de contrôle conjoint pour surveiller, garantir et soutenir un transfert aussi délicat, le cas échéant.

Alors que l’insécurité dans les Grands Lacs s’aggrave, l’engagement des dirigeants rwandais et burundais à normaliser les relations est une étape positive. Les défis communs auxquels sont confrontés les deux États nécessitent des réponses coordonnées qui encouragent un climat de confiance indispensable. La région des Grands Lacs, une d en particulier les sociétés burundaise et rwandaise, ne peuvent que bénéficier d’un tel développement.

Le troisième bénéficiaire des relations productives entre Kigali et Gitega serait la RDC, où opèrent des groupes armés d’opposition des deux pays. Toute normalisation contribuerait à relancer la coopération trilatérale sur la sécurité, la diplomatie et l’économie.

Le règlement du différend entre le Burundi et le Rwanda peut redynamiser le rapprochement régional et la résolution des conflits. Après des années d’incertitude, cela pourrait aussi rappeler aux dirigeants du continent la valeur de la sécurité collective africaine.

Publié le 17 janvier 2022 à 11 h 30 min par Rédaction

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