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En Afrique, Pékin sur la route de la « nouvelle ère » ?

En Afrique, Pékin sur la route de la « nouvelle ère » ?

Un mois après la fin du sommet Chine – Afrique (FOCAC), qui s’est déroulé pour l’essentiel en visioconférence les 29 et 30 novembre dernier, l’heure est déjà au bilan après deux décennies de relations économiques aussi florissantes que contrastées. Si Pékin loue la bonne qualité des échanges sino-africains, certains pays réclament une relation plus équilibrée, un soutien plus appuyé de la Chine en faveur de la lutte contre l’insécurité au Sahel et une restructuration des échanges.

 

« Des relations plus équilibrées »

 

L’équilibre des relations entre le continent africain et la deuxième puissance du monde a été au cœur des échanges de ce 8e FOCAC. Car, après la lune de miel des années 2000 – 2015, pendant lesquelles la Chine pouvait compter sur son statut historique de non-aligné et de puissance anticoloniale, tout en participant activement au développement économique du continent, les relations se sont un peu tendues. Certes, la Chine demeure le premier partenaire commercial de l’Afrique, avec des échanges s’étant élevés à 200 milliards de dollars en 2020. Avec cependant, une nette domination de la Chine, le déficit commercial de l’Afrique envers la Chine atteignant 18 milliards de dollars en 2019. Une réalité qui, selon le président sénégalais Macky Sall, hôte du forum, appelle à un rééquilibrage des relations économiques. « Il nous faut accélérer le développement des capacités industrielles africaines afin que le continent facilite l’accès de ses produits au marché chinois » a ainsi affirmé le président sénégalais, dans des propos rapportés par le journal économique marocain Les Eco. Une demande à laquelle Pékin a — partiellement — répondu en annonçant élargir la liste des produits africains profitant d’une exemption douanière à l’entrée sur le sol de l’Empire du Milieu.

 

La très sensible question de l’endettement

 

Sur la question hautement sensible de l’endettement, Pékin s’est aussi engagé à changer ses pratiques. Premier bailleur du continent, la Chine détient 62,1 % de la dette bilatérale de l’Afrique, selon les chiffres du Trésor français. Une situation de dépendance par la dette qui fait l’objet de critiques accrues, venues notamment des partenaires occidentaux de l’Afrique. Le 19 novembre, Jean-Yves le Drian, ministre français des Affaires étrangères a fortement irrité la diplomatie chinoise, en affirmant au journal Le Monde, que la stratégie de Pékin en Afrique relevait du « marché de dupes » et que de nombreux États africains risquaient de mettre « leurs pays sous tutelle en raison de l’endettement majeur qu’ils sont obligés de contracter pour financer (des) infrastructures ». Certains pays, comme l’Angola, l’Éthiopie, la Zambie ou encore le Kenya, dont les dettes extérieures sont toutes possédées entre 25 et 50 % par Pékin, sont jugés particulièrement à risque de dépendance future à la Chine.

 

En plein forum Chine — Afrique, des rumeurs ont enflé en Ouganda, évoquant une saisie prochaine de l’aéroport international de Kampala par la Export-Import Bank of China suite à un prêt non remboursé, datant de 2015. Des accusations rapidement démenties par la diplomatie chinoise et le gouvernement ougandais qui a affirmé, par la voix de son Premier ministre, qu’« aucun bien africain n’avait été confisqué par le gouvernement chinois ». Dans le domaine des infrastructures, plusieurs cas emblématiques restent cependant dans les mémoires. Celui du port de Doraleh, poumon économique de Djibouti, dont l’opérateur DP World a été écarté par le gouvernement de Djibouti et remplacé par un actionnaire minoritaire chinois China Merchants Group. Une manœuvre jugée illégale par un tribunal d’arbitrage britannique mais qui, selon certains observateurs, serait la conséquence du fort endettement de Djibouti à l’égard de la Chine. En 2017, le port de Hambantota, au Sri Lanka, a connu un destin funeste après avoir été loué à la Chine pour 99 ans, à la suite de difficultés importantes de remboursement envers Pékin.

 

Vers une plus forte coopération sécuritaire ?

 

Plusieurs pays du Sahel, en premier lieu le Mali, le Niger ou encore le Burkina Faso, font l’objet d’incursions ou d’implantations terroristes continues sur leur sol, engendrant une insécurité manifeste sur l’ensemble de la zone. Si le leadership de la lutte contre les groupes armés terroristes est ordinairement confié à la France, le redimensionnement de l’opération Barkhane et la volonté de Paris de s’effacer derrière la force conjointe du G5 Sahel laissent quelque peu planer le doute sur l’avenir sécuritaire de la zone. « Nous voudrions que la voix de la Chine, compte tenu de son influence, soit une voix forte pour soutenir le Sénégal et tous les pays engagés dans le problème de l’insécurité au Sahel » a en ce sens affirmé Aissata Tall Sall, ministère sénégalaise des Affaires étrangères à la presse internationale le 28 novembre dernier. Peu encline à s’ingérer militairement sur un terrain aussi complexe que le Sahel, la Chine se limite à demander un soutien international à force conjointe du G5 Sahel dans le cadre de son renforcement opérationnel et capacitaire.

 

Depuis quelques mois, les sondages d’opinion menés en Afrique font constater une légère baisse de la popularité de la Chine en Afrique. Les craintes sur l’endettement de certains pays et sur les intentions réelles de Pékin n’y sont, sans doute, pas étrangères. Face au risque d’un désamour des populations africaines, Pékin devrait tenter de se repositionner en faveur de relations plus égalitaires. C’est en tout cas le sens de la « nouvelle ère » promue par Xi Jinping, président chinois, lors du dernier FOCAC.

> La Guinée-équatoriale dément l’installation d’une future base militaire chinoise 

Publié le 4 janvier 2022 à 8 h 50 min par Rédaction

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