En République démocratique du Congo, la corruption perd du terrain

Congo Hold Up, une enquête internationale issue de la fuite de millions de documents, jette une lumière crue sur le fléau de la corruption en République Démocratique du Congo (RDC). Si celle-ci a pu précédemment s’immiscer à tous les échelons de la société, et jusqu’au sommet de l’État, le gouvernement actuel a fait de cette question son cheval de bataille. En fonction depuis le 24 janvier 2019, le nouveau Président de la République Félix Tshisekedi a lancé un plan de lutte contre la corruption, dont les premiers fruits ont été salués par la Banque Mondiale.
Un terrible frein au développement
La corruption est l’un des obstacles majeurs au développement économique en RDC. Les institutions internationales, Banque Mondiale et FMI en tête, alertent depuis des années sur la situation. Actuellement, l’affaire Congo Hold-Up confirme l’implantation de la corruption aux plus hauts sommets de l’État en éclaboussant l’ancien président Joseph Kabila.
Concrètement, à l’arrivée aux affaires du président Tshisekedi, le montant total de la corruption était estimé à 15 milliards de dollars, soit environ trois fois le budget de l’État. Dans son premier discours à la Nation tenu le 13 décembre 2019, Félix Tshisekedi affirmait que son gouvernement faisait de la lutte contre la corruption l’une de ses priorités. Il déclarait notamment que « tous ces réseaux seront démantelés. Et (qu’il) serai intraitable dans la lutte contre la corruption ». Face au Parlement, le président dressait le tableau d’une corruption omniprésente et multiforme. De barrages routiers illégaux au « harcèlement fiscal » des PME, en passant par l’existence de services aux frontières illégaux, la corruption frappait partout la vie économique.
Les révélations de l’enquête Congo Hold Up démontrent le poids de la corruption dans de grands secteurs stratégiques pour le développement du pays. Des millions de dollars auraient été détournés de projets pourtant fondamentaux tenant à l’urbanisme des grandes villes, à la gestion des ports ou à l’exploitation pétrolière.
Une politique offensive à l’assaut de la corruption
La guerre déclarée à la corruption par le président Tshisekedi est menée par une agence dédiée. L’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) est un nouvel organisme spécialisé dans la lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment des capitaux et le détournement des deniers publics dont certains agents ont le statut d’officier de police judiciaire. Cette agence devrait être en première ligne pour assurer les suites aux révélations de Congo Hold Up.
L’Inspection Générale des Finances (IGF) s’est quant à elle dotée d’une nouvelle direction, sous l’égide de Jules Alingete Key. Celui-ci commentait ainsi la situation dans laquelle il se trouvait en prenant son poste : « Les gestionnaires publics considéraient les biens et finances publiques comme leur propriété et jugeaient donc qu’ils pouvaient en disposer comme bon leur semblait. Très vite, nous avons estimé qu’il fallait mettre en place une thérapie de choc ». Depuis, l’IGF a augmenté les effectifs et les salaires de ses agents et engagé une politique de formation hostile à la corruption, a souligné M. Alingete Key.
L’IGF a mené cette année des enquêtes remarquées, en révélant par exemple l’existence de cartes bancaires directement reliées au compte général du Trésor. Cependant, le véritable travail de fond concerne les pratiques quotidiennes de l’État. Dans ce domaine, M. Alingete Key relève des progrès notables bien que perfectibles : « Sur dix actes de gestion, neuf étaient émaillés de faits de malversation. Aujourd’hui, six actes environ sur dix sont entachés de la sorte. »
Des centaines de millions de dollars récupérés par l’État
La lutte contre la corruption a un bilan immédiatement mesurable sur le budget de l’État. Après une année 2020 marquée par le ralentissement économique dû à la pandémie de Covid-19, les finances de l’État progressent très fortement en 2021. Ainsi, d’après M. Alingete Key, les recettes mensuelles 2021 sont comprises en 500 et 900 millions de dollars, alors qu’elles étaient de 300 millions en moyenne sur l’année 2020.
En s’appuyant sur ces recettes nouvelles, le gouvernement a annoncé début octobre un budget en hausse de 15 % en 2022, avec des investissements accrus dans les secteurs productifs.
« Une volonté d’améliorer vraiment la gouvernance » d’après la Banque Mondiale
Hafez Ghanem, vice-président de la Banque Mondiale a salué auprès de Jeune Afrique les efforts opérés par la RDC. Le vice-président a notamment constaté « qu’il y a des réformes en cours ainsi qu’une amélioration du déploiement de nos projets, qui fonctionnent mieux qu’auparavant ». En conséquence, la Banque Mondiale compte augmenter ses financements en RDC, notamment en ce qui concerne la création d’emplois, l’intégration des jeunes et la transformation de l’économie. Le financement de projets par la Banque Mondiale est passé de 1,5 milliard en 2019 à 2 milliards en 2021 et devrait continuer d’augmenter. Un début de victoire pour Félix Tshisekedi, dont les conséquences seront directement visibles par les populations.
Pourtant, il y a bien eu un couac autour des financements de l’institution internationale. Au cours de l’année, la Banque Mondiale a dû interrompre ses financements dans les projets éducatifs suite à un soupçon de détournement de fonds. Toutefois, la confiance réciproque ne semble pas durablement entamée, puisque M. Ghanem souligne que c’est le gouvernement lui-même qui a alerté la Banque Mondiale sur ces détournements. La coopération devrait donc continuer en ce domaine, avec pour objectifs d’augmenter de 20 % le nombre de personnes scolarisées et d’assurer la gratuité de l’enseignement primaire.
Read also
- Des Tutsis congolais décrivent une campagne violente pour les empêcher de voter
- BGFIBank RDC aux côtés de l’Etat pour lutter contre le financement du terrorisme
- Une brasserie source de fierté dans la région secouée par les rebelles en RDC
- La Banque mondiale va financer des projets de développement de 900 millions de dollars en RDC
- Le président Tshisekedi nommé facilitateur de la crise au Tchad