BNP Paribas inculpée pour blanchiment d’actifs au Gabon

Pour la première fois, une institution financière est mise en examen dans l’affaire dite des “gains mal acquis” impliquant le Gabon.
BNP Paribas, l’une des principales banques françaises, a été mise en examen pour avoir blanchi des dizaines de millions d’euros d’argent public gabonais résultant de la corruption et du détournement de fonds. C’est le dernier développement d’une enquête de longue date sur l’immobilier de luxe acquis en France par la famille du défunt président du Gabon, Omar Bongo.
Les accusations de blanchiment et de détournement de fonds publics ont été portées le 11 mai dans le cadre de l’enquête dite des « gains mal acquis », a rapporté l’AFP, citant des sources proches de l’affaire et le pouvoir judiciaire.
Selon les enquêtes, la banque « a manqué à ses obligations de gouvernance raisonnable » en ne signalant pas aux autorités un compte bancaire suspect sur lequel des dizaines de millions d’euros auraient été utilisés par la famille Bongo pour acquérir des biens immobiliers en France.
Les transactions, réalisées entre 2002 et 2009, concernent le compte de l’Atelier 74, une société française d’architecture d’intérieur chargée de trouver des propriétés pour la famille du président gabonais et de les rénover à grands frais.
L’affaire des gains mal acquis a été ouverte pour la première fois en 2010. L’acte d’accusation de la BNP constitue une première pour une institution financière.
William Bourdon, avocat du groupe anti-corruption Transparency International, plaignant dans l’enquête, a qualifié les accusations de « première historique dans cette affaire ».
Un rôle de premier plan
Deux notaires et un avocat sont également poursuivis, ce qui incite William Bourdon à ajouter : « Les accusations montrent qu’il n’y a pas de grandes opérations de blanchiment d’argent et de détournement de fonds publics sans ingénieurs financiers ».
À partir des années 1990, la famille Bongo a acquis douze propriétés à Paris et à Nice pour près de 32 millions d’euros, selon les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).
Afin de réaliser ces acquisitions via des sociétés civiles immobilières (SCI), des liquidités ont été versées à Libreville par les confidents du chef de l’Etat sur le compte de la filiale gabonaise de l’Atelier 74.
Les sommes ont ensuite été transférées sur le compte de l’Atelier 74 au sein de la BNP en France. Un total de 52 millions d’euros a circulé entre 1997 et 2009, selon un rapport de 2017.
« L’utilisation systématique des chèques de banque … aurait dû alerter la banque », qui a joué un rôle « de premier plan » dans le dispositif de blanchiment d’argent, a souligné l’OCLCIFF.
« Il est difficile de croire que la banque à l’époque n’ait pas demandé de preuve de transfert : origine des fonds, existence de contrats ou d’accords entre ces deux entités », a-t-il ajouté.
Peurs des répercussions
Dès mars 2009, les responsables de la banque avaient jugé « souhaitable de rompre les relations avec Omar Bongo » mais avaient reporté l’action en raison des craintes de répercussions sur ses collaborateurs au Gabon.
Au moins 13 personnes font l’objet d’une enquête dans le cadre de l’enquête, dont cinq membres de la famille Nguesso du Congo-Brazzaville, l’ancien avocat d’Omar Bongo et des hommes d’affaires français. Des membres de la famille Bongo ont été interrogés mais aucun n’a été poursuivi à ce jour.
Omar Bongo a été président du Gabon de 1967 jusqu’à sa mort en 2009. Il a été remplacé par son fils, Ali Bongo.
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