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Guinée : le rapport accablant du Département d’Etat américain

Guinée : le rapport accablant du Département d’Etat américain

Mardi 30 mars, le Département d’Etat américain publiait un rapport dénonçant les multiples violations des droits de l’Homme en Guinée en marge du référendum de mars dernier et des dernières élections législatives et présidentielle. Entre détentions arbitraires, violences meurtrières et représailles de masse, retour sur le document accablant de Washington. 

 

Réélection d’Alpha Condé

 

Le 18 octobre dernier, Alpha Condé est réélu Président de la République guinéenne, avec 59,9% des voix, et ce pour un troisième mandat consécutif. Une victoire qu’il remporte face à Cellou Dalein Diallo, son principal opposant, président de l’UFDG. Cette dernière est confirmée par la Commission électorale nationale indépendante, puis par la Cour constitutionnelle, quelques jours après le scrutin qui avait regroupé près de 5,5 millions de citoyens. Pour autant, la réélection du président sortant, permise par la modification de la Constitution en mars 2020, a été largement controversée. 

 

C’est donc dans un climat de tensions, d’arrestations injustifiées, de restrictions de libertés et de vagues de violences (faisant état de plusieurs morts) que se sont déroulées les élections. Manque de transparence, fermeture et saccage des bureaux de vote, perquisitions, trafic d’influence ou encore irrégularité des résultats… Voilà ce qu’on peut retenir de cet épisode pseudo-démocratique. 

 

Poursuite de la répression

 

Malgré sa réélection, Alpha Condé n’a pas ménagé ses opposants politiques, bien au contraire. Partout dans le pays, à Conakry et dans les autres grandes villes, ils sont traqués, emprisonnés, torturés et parfois même tués. 400 prisonniers politiques auraient été enregistrés dans les prisons guinéennes depuis le mois d’octobre. Plusieurs rapports ont été publiés sur ce sujet, mettant en avant la dérive autoritaire et meurtrière du Chef de l’Etat. “Depuis l’élection, les forces de l’ordre ont fait un usage excessif de la force, tuant par balles plus d’une dizaine de personnes et arrêtant des centaines d’autres lors de manifestations ou d’opérations de police dans les quartiers perçus comme favorables à l’opposition”, dénonce Amnesty International. 

 

Mais ces violences ont débuté bien avant le scrutin présidentiel. Dans son rapport, le Département d’Etat américain mentionne l’enquête réalisée en avril dernier par l’ONG Collective of Organisations for the Protection of Human Rights in the Forested Guinea. Cette dernière  rendait compte des violences perpétrées dans la région au mois de mars 2020, dans le cadre des élections législatives et du référendum constitutionnel. L’ONG stipule que 36 personnes ont été tuées, 129 blessées et 127 arrêtées durant cette période. Selon plusieurs sources locales, le nombre de morts aurait même atteint 60. Malgré tout, aucune enquête n’a été réalisée sur ces incidents. 

 

Alors que la Constitution guinéenne interdit l’usage de la torture, divers observatoires des droits de l’Homme ont signalé que nombre de représentants gouvernementaux recourraient à ces pratiques en toute impunité, notamment dans les prisons. 

 

Les prisons : le paroxysme de l’abus de pouvoir

 

Malheur à qui est attrapé et emprisonné… S’il sait quand il franchit la porte de la prison, il ne peut imaginer quand il en sortira, et surtout s’il en sortira. De très nombreuses arrestations ont eu lieu en l’absence de mandat, et en totale violation des procédures garanties par la loi (à l’instar des arrestations de nuit, ou de l’arrestation de proches innocents). Une réalité qu’Alpha Condé refuse de reconnaître. Le 24 février dernier, au cours de la cérémonie d’ouverture du Guinea Investment Forum à Conakry, il affirmait : “Les pays qu’on dit démocratiques en Afrique, mettent leurs opposants en prison. Nous, on n’a jamais mis des opposants en prison. Les gens qui sont en prison ne sont pas des hommes politiques”. 

 

A cela s’ajoute une méconnaissance totale des prisonniers sur le sort qui les attend. Amnesty International mettait en avant que la plupart des détenus n’ont pas accès à un avocat et ne sont pas relâchés en attendant leur procès, en dépit de ce que prévoit le droit international. D’autant que le système judiciaire est miné par la corruption, le manque d’indépendance et d’impartialité. Et cette peine touche l’ensemble des classes sociales. 

 

En novembre dernier, cinq hauts responsables de l’opposition, dont des membres de l’UFDG (Union des Forces Démocratiques de Guinée) ont été arrêtés. Parmi eux, Ibrahima Chérif Bah (vice-président), Ousmane “Gaoual” Diallo (ancien député et ex-porte-parole du candidat du parti à la présidentielle), Abdoulaye Bah (ancien maire de Kindia) ou encore Mamadou Cellou Baldé (coordinateur des fédérations de l’intérieur). La raison ? Ils sont accusés par les autorités de possession et utilisation d’armes à feu, de menaces, d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, et d’association criminelle. Des chefs d’inculpation graves, qui ne sont pas toujours justifiés. En parallèle, 137 personnes avaient été arrêtées dans la capitale pour avoir participé à des manifestations illégales, utilisé des armes et incité à la violence au cours de la période postélectorale, rappelle le document américain. 

 

Des conditions de détention inhumaines 

 

Maltraitance, faveurs sexuelles, humiliation, manque d’hygiène ou encore scènes de torture, tel est le quotidien de ces prisonniers, pour beaucoup des opposants politiques, rapporte le bilan du Département d’Etat américain. Un des problèmes majeurs rencontrés dans ces établissements pénitentiaires est la surpopulation. En 2019, d’après l’ONG World Prison Brief, 3 782 personnes étaient détenues dans des installations conçues pour 2 412 individus. Un rapport publié par Human Rights Watch au début de l’année révèle que 1 500 personnes sont détenues au sein de la prison centrale de Conakry, où la capacité d’accueil ne dépasse pas 300 places. 

 

Alors que les prisons sont surpeuplées, que l’hygiène est quasi-inexistante (absence d’eau potable suffisante, de ventilation ou de sanitaires dignes de ce nom) et que les soins prodigués demeurent très insuffisants, les conditions de détention des prisonniers sont inhumaines. Sans compter sur le Covid-19, accélérant par conséquent la dégradation du contexte sanitaire.

Publié le 2 avril 2021 à 10 h 04 min par Rédaction

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