Ghana : Nana Akufo-Addo réélu en dépit des scandales

Lundi 7 décembre, le président sortant Nana Akufo-Addo remportait de justesse le scrutin présidentiel, avec 51,59% des voix, selon la Commission électorale. Une victoire qui, malgré les nombreux scandales de ces derniers mois, lui permet de diriger le pays pour quatre années supplémentaires.
Une élection sous tensions
Mercredi 9 décembre, après deux longues journées d’attente, le leader du Nouveau Parti Patriotique (NPP) Nana Akufo-Addo est finalement proclamé Président de la République Ghanéenne. Une victoire contestée dès le lendemain du vote par son rival de toujours (et ancien Président), John Mahama, qui affirme qu’il “résisterait à toute tentative de vol du scrutin”.
Si cet Etat d’Afrique de l’Ouest est réputé pour sa stabilité, force est de constater qu’il a été le théâtre de violences post-électorales importantes : la police fait état de cinq morts et 17 blessés. Malgré ces incidents, le responsable de la mission d’observation de l’Union Européenne, Javier Nart, souligne que “le processus a globalement été crédible et transparent et les électeurs ont pu participer librement”. “Le moment est venu, quelles que soient les affiliations politiques, de s’unir, de se donner la main”, a déclaré le Président en appelant ses concitoyens à la paix nationale.
Depuis 1992 et l’établissement de la démocratie, le Nouveau Parti Patriotique (NPP) et le Congrès National Démocratique (NDC) se disputent le pouvoir et pour la troisième fois en dix ans, la course à la présidentielle a opposé Nana Akufo-Addo et John Mahama. Dans une région secouée par les crises politiques à l’image du Mali, de la Côte d’Ivoire ou de la Guinée, l’élection présidentielle était suivie avec espoir.
Multiplication des scandales
Alors que Nana Akufo-Addo est reconnu pour sa gestion efficace de la crise sanitaire, son action en faveur du développement du tourisme et des infrastructures (en atteste l’initiative “One District, One Factory”), ou encore la croissance économique nationale importante (6% au cours de ses trois premières années au pouvoir) d’avant crise, le Président a aussi dû faire face à d’importants scandales à quelques mois de l’élection présidentielle.
En effet, son image d’homme intègre qui l’a conduit au pouvoir en 2016 pourrait bien être entachée par la démission fracassante lundi 16 novembre du procureur anticorruption Martin Amidu, trois semaines avant la tenue du scrutin. Celui qui a fait de la lutte anti-corruption son cheval de bataille a été confronté à une polémique de taille. Nommé en 2018 par l’actuel Chef de l’Etat, Martin Amidu accusait ce dernier d’avoir tenté de faire enterrer un rapport explosif concernant une société offshore créée par le Gouvernement afin de régir les redevances minières du pays. Cette société devait entrer à la Bourse de Londres en septembre dernier et permettre de lever 500 millions de dollars. Mais c’était sans compter sur les risques de corruption dénoncés par les organisations de la société civile. “Vous avez, à tort, pensé que je pourrais exercer ma fonction de procureur spécial comme votre caniche”, écrivait le procureur dans sa lettre, précisant “qu’il n’était plus en mesure d’exercer en toute indépendance”. Une accusation lourde à laquelle s’est s’empressé de répondre Nana Akufo-Addo: “Tout au long de votre mandat en tant que procureur spécial, ni le président ni aucun membre de son gouvernement ne s’est ingéré ou n’a cherché à interférer avec votre travail”.
Et ce n’est pas le premier scandale dont a été victime le pays. En août dernier, le journal “Africa intelligence” révélait qu’un homme d’affaires français répondant au nom de François Gontier aurait vendu 1500 jumelles infrarouges aux forces ghanéennes pour un montant total de 22 millions de dollars. Une surfacturation éhontée, chaque pièce étant vendue à 6,850 dollars contre 500 dollars sur le marché : “La transaction de Gontier a soulevé l’ire de l’opposition parlementaire, l’été dernier”, précise le média. D’autant plus que les coûts de transport et l’assurance n’étaient pas compris dans le prix total. François Gontier utilisait par ailleurs la Financière Duc pour ses transactions, et Africa Intelligence de préciser que son directeur, Jean-Luc Heuzer, aurait bénéficié du soutien de l’homme d’affaires Nicky Wilson, un proche du NPP, pour mettre à bien son projet. A travers cette affaire, c’est l’ensemble du secteur de la Défense qui est impacté, avec des répercussions majeures sur la lutte antiterroriste.
Un peu plus tôt, en novembre 2019, une autre affaire de taille secouait la politique nationale : le Gouvernement ghanéen signait un accord de concession avec SkyTrain, à l’issue d’un Forum sur l’investissement africain, à Johannesburg. Le projet, d’une valeur de 2,6 milliards de dollars, proposait le développement d’un train aérien sur cinq itinéraires, destiné à désengorger la capitale ghanéenne. Une offre dont se félicitait Nana Akufo-Addo, qu’il décrivait comme “un jour heureux pour le Ghana et son bon peuple”. Le Président aurait-il parlé trop vite ? A ce jour, rien de concret n’a été entrepris et il se pourrait bien que le Gouvernement ait été victime d’une énième escroquerie. Pour autant, alors que les rumeurs allaient bon train, le Gouvernement annonçait en juillet dernier la poursuite du projet.
Si Nana Akufo-Addo a été réélu en dépit de ces scandales, le Président doit désormais faire preuve de davantage de vigilance et montrer aux Ghanéens son souci d’amélioration de la bonne gouvernance du pays.