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En Guinée, Alpha Condé joue le jeu dangereux des tensions ethniques

En Guinée, Alpha Condé joue le jeu dangereux des tensions ethniques

Déjà au centre des critiques régionales et internationales pour ses atteintes répétées aux droits humains à l’encontre des membres de l’opposition, Alpha Condé risque à nouveau de créer la polémique. Dans le cadre d’un meeting tenu devant la population de la municipalité de Kankan, deuxième ville du pays, au sein de laquelle la population Malinkè est majoritaire, Alpha Condé a joué le jeu des divisions ethniques, au risque de renforcer des tensions déjà très vives dans le pays.

 

Selon Alpha Condé, « Un Malinké digne de ce nom ne peut accorder son vote à un guinéen issu d’une autre ethnie »

 

La phrase est brutale et rappelle presque la sémantique d’une partie des élites rwandaises hutues contre les populations tutsies à la veille du dernier génocide connu par l’Humanité. Et pourtant, c’est bien sur les distinctions ethniques qu’Alpha Condé tente de faire campagne en affirmant que les « Malinké », ethnie dont il est originaire, ne pouvaient pas voter pour un candidat issu d’une ethnie différente. Une manière indirecte de cibler son principal opposant, Cellou Dalien Diallo, d’ethnie peule et candidat de l’Union des forces démocratiques guinéennes (UFDG). Mais surtout, un jeu très dangereux dans un pays traditionnellement multiethnique, numériquement dominé par les Malinké, Peuls et Soussous, mais aussi des groupes ethniques plus modestes, comme les Kissiens, Guerzés ou Tomas. D’autant que les relations interethniques sont ordinairement, contrairement à beaucoup de pays de la sous-région, relativement apaisées en Guinée.

 

Une tonalité qui, surtout, est parfaitement contraire à la Constitution guinéenne, qui dispose dans son article 3, « que les Partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage et à la vie démocratique » et qu’à ce titre, « il leur est interdit de s’identifier à une race, une religion, une ethnie, un sexe, une langue ou une région ». Un texte fondamental qui, dans l’esprit comme dans la lettre, cherche à prémunir la Guinée des dérives souvent mortelles du tribalisme et de l’ethnicisme.

 

Pour Alpha Condé, jouer sur les divisions ethniques est une stratégique politique indirecte, visant à lui assurer le soutien des Malinké, deuxième ethnie du pays, représentant près de 25 % de la population. Et, pour l’opposition, un moyen de ne pas se justifier d’un bilan, après dix ans d’exercice du pouvoir, jugé médiocre.

 

 

Extrait du discours contesté d’Alpha Condé

 

Derrière Cellou Dalein Diallo, l’opposition s’indigne

 

« Le dictateur Alpha Condé, sans attache et sans projet pour notre pays, a instrumentalisé les ethnies pendant dix ans », a affirmé Cellou Dalein Diallo, ancien premier ministre guinéen et candidat à l’élection présidentielle, prévue en octobre prochain dans une adresse à destination des populations de Kankan, auprès de qui Alpha Condé avait précédemment tenu son discours contesté.

 

Pour l’opposition, la corde ethnique demeure un outil pour pallier les insuffisances de son bilan. Car la Guinée reste encore dans une situation économique difficile. Les données de la Banque mondiale indiquent ainsi, qu’en 2018, 80 % des jeunes étaient au chômage et que 80 % de la population active travaillait dans le secteur informel. En 2018, une majorité des Guinéens vivaient encore dans des conditions économiques et sociales délicates, 55 % d’entre eux étant sous le seuil de pauvreté. « Combien de kilomètres de routes ont été réalisés ? Quelle amélioration sur le plan énergétique a été enregistrée ? Quel est le nombre d’emplois créés ? » se demande Cellou Dalein Diallo.

 

« Dans cette région, la pauvreté est ambiante et visible à l’œil nu. Il en est de même que les maladies chroniques, la malnutrition et la cherté de la vie qui se passent de tout commentaire » affirme Sidiki Sanoh, natif et ressortissant de Kankan, dans une tribune publiée sur Guinéelive le 21 septembre qui précise n’avoir jamais imaginé « qu’il (Alpha Condé) allait bâtir sa campagne sur la division des Guinéens ».

 

Prévue le 28 octobre, l’élection présidentielle entraîne des tensions persistantes dans le pays. En effet, l’opposition multiplie les manifestations urbaines, tandis que la répression policière se fait de plus en plus forte. La liste des décès en marge des différents rassemblements s’allonge, malgré une mobilisation toujours intacte.

Publié le 23 septembre 2020 à 9 h 46 min par Rédaction

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