En Afrique, le défi logistique et sanitaire de la lutte contre le Covid-19

La diffusion du Covid-19 ne s’est pas limitée aux zones urbaines, densément peuplées et richement dotées en infrastructures de santé des pays occidentaux. En effet, dans certains territoires, pauvres ou reculés, la propagation du virus a mis en péril la fragile situation sanitaire déjà existante. Face à la pandémie, une véritable course contre la montre, portée notamment par des acteurs privés, s’est enclenchée afin de fournir aux populations le matériel nécessaire à leur protection et aux personnels soignants les outils essentiels à leurs métiers.
Covid-19 : le singulier cas africain
En Afrique, le Covid-19 semble suivre une courbe bien singulière, largement différente de celle connue dans les pays occidentaux ou asiatiques. Avec 17 % de la population mondiale, le pays ne déplore que 2 % des morts à l’échelle internationale. Si les facteurs explicatifs sont nombreux, ils ne relèvent pour le moment que de scénarios hypothétiques que le temps viendra confirmer ou infirmer. Si certains y voient les effets positifs de mesures de distanciation sociale précoces, d’autres considèrent que les cas asymptomatiques y sont surreprésentés parmi une population largement plus jeune que dans le reste du monde, dont l’âge médian ne dépasse pas la vingtaine d’années. Possible aussi que les malades, très faiblement symptomatiques, n’aillent pas consulter de médecin pour une simple fièvre ou une toux sans gravité. Un virus qui semble tellement absent que, dans certaines villes du continent, les populations en viennent presque à douter de son existence.
Sur le continent, la temporalité épidémique est aussi, ordinairement, assez différente. « En France, vous avez un pic important durant l’hiver et une quasi-disparition du virus l’été. Au Cameroun, la grippe connaît certes aussi un pic en novembre et décembre, mais bien plus limité et l’épidémie reste ensuite présente, circulant à bas bruit le reste de l’année » explique en ce sens Élisabeth Carniel, directrice de l’Institut Pasteur au Cameroun. Mais le continent n’est pas épargné pour autant. Le continent comptait, le 29 juin, plus de 380 000 cas avérés, pour près de 10 000 décès, selon les données du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique).
Plus que le nombre de cas, c’est sans doute le déficit chronique de matériel dont souffre le continent qui inquiète les médecins. En avril dernier, la République centrafricaine ne pouvait aligner que 3 respirateurs, le Togo 4, le Niger 5 et la Côte d’Ivoire 20. La Sierra Leone n’en possédait qu’un seul. Idem, pour les lits de réanimation, dont le nombre est limité à 15 au Burkina Faso, 15 en Somalie, 20 en République du Congo ou encore 40 au Mali. Face aux difficultés des pouvoirs publics, les acteurs privés ont dû se mobiliser pour améliorer la situation sanitaire du continent.
Combler le délicat accès des populations aux soins et aux médicaments
Pour les populations, le défi de l’accès aux soins reste en effet entier. Notamment dans les zones les plus reculées du territoire. Le Rwanda, par exemple, ne compte un peu plus que 1000 cas confirmés, pour uniquement 2 décès. Mais, pour arriver à ces résultats très probants sur le continent, le gouvernement a rivalisé d’ingéniosité logistique. Outre l’hospitalisation systématique des cas positifs, le Rwanda a eu recours massif aux drones pour fournir le territoire en matériel médical. La startup américaine Zipline achemine ainsi des médicaments aux différents centres de santé de la région. « Il suffit d’envoyer une demande par WhatsApp, et moins d’une demi-heure plus tard, un drone arrive avec le médicament, en volant au-dessus de notre bâtiment. Le drone largue la boîte attachée à un petit parachute » explique le directeur d’un hôpital public situé dans une région isolée du nord du pays. Une mesure qui a permis de pallier les difficultés de déplacement liées au confinement. Grâce à un partenariat avec les autorités rwandaises, Zipline est aujourd’hui en capacité de livrer la quasi-totalité du pays. La société américaine, aussi très active aux États-Unis, s’est développée grâce à de nombreux investisseurs étrangers, notamment le français SGH Capital, une holding dirigée par le Français Alexandre Azoulay. SGH Capital s’est, entre autres, spécialisée dans les investissements dans des startups du transport et de la logistique, comme Onfleet, Superdome ou encore fretlink.
Mais les start-ups locales ont aussi très fortement contribué à la lutte contre le Covid-19. Par exemple, Pass Santé Mousso, un bracelet électronique en forme de bijou permettant de transporter sur soi l’ensemble de ses données personnelles et médicales, a connu un développement spectaculaire en Côte d’Ivoire, depuis la crise du Covid-19. MPharma, qui opère au Nigéria, en Gambie et au Ghana, propose un équipement mobile de dépistage Covid-19. À l’échelle sous-continentale, l’application REMA, qui désigne un réseau d’échange entre médecins d’Afrique, fournit aux professionnels un service de collaboration médicale à distance afin d’« améliorer la qualité des décisions médicales, en misant sur la collaboration, la solidarité et l’intelligence collective des médecins du continent ». Face à l’épidémie, une mobilisation des acteurs privés qui s’est avérée très précieuse.
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