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Burkina Faso : l’insécurité menace le secteur de l’orpaillage

Burkina Faso : l’insécurité menace le secteur de l’orpaillage

Déjà en prise aux violences djihadistes, le Burkina Faso doit gérer l’explosion incontrôlée de l’orpaillage sauvage sur son territoire, qui pollue l’environnement et déstabilise la société. Un phénomène inquiétant, contre lequel les autorités burkinabées semblent incapables de lutter. 

 

Quand la fièvre de l’or tue. Le 5 octobre dernier, une vingtaine de personnes, principalement des chercheurs d’or, ont perdu la vie à la suite d’une attaque menée contre un site d’orpaillage dans le nord du Burkina Faso, au sein de la province du Soum. L’attaque, conduite par des « individus armés » non-identifiés, probablement affiliés aux groupes djihadistes sévissant depuis plusieurs années dans la région du Sahel, témoigne à nouveau du regain de violence frappant ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest. Depuis début 2015, quelque 600 personnes ont ainsi péri à la suite d’attentats perpétrés au Burkina par des organisations terroristes liées à Al-Qaïda ou à l’Etat islamique, sans que l’armée, également visée par les groupes djihadistes, ne semble capable de lutter efficacement contre ce phénomène.

 

Au Burkina, l’orpaillage endommage l’environnement et déstabilise la société

 

Au-delà de la recrudescence des attentats islamistes, l’attaque de Dolmané jette à nouveau une lumière crue sur le développement aussi anarchique qu’exponentiel de l’orpaillage « sauvage » au Burkina Faso. « L’extraction artisanale de l’or constitue aujourd’hui un des piliers de l’économie de cet Etat pauvre », rappelle ainsi l’universitaire Joseph Bohbot. Une nouvelle « ruée vers l’or » qui n’est pas sans causer de graves problèmes, estime encore le spécialiste, provoquant notamment « une désintégration du tissu social et une dégradation de l’environnement » autour des sites d’orpaillage.

Déforestation – les orpailleurs et mineurs utilisant le bois des forêts, une ressource déjà sous tension dans une région en voie de désertification, pour étayer leurs galeries – ; dégradation des sols à cause des mines et de leurs gravas, menant à une destruction des terres arables ; pollution des terres agricoles et des nappes phréatiques, due aux rejets toxiques de cyanure ou de mercure utilisés par les chercheurs d’or ; etc. : telles sont quelques unes des conséquences environnementales de l’orpaillage artisanal au Burkina Faso. Des dégâts durables, qui ont un coût, estimé à 24 millions de dollars en 2011, soit l’équivalent de 0,21% du PIB du Burkina.

Mais « l’orpaillage informel, ajoute M. Bohbot, de par son ampleur affecte (aussi) en profondeur la société burkinabè déjà fragile et la met un peu plus en difficulté » qu’elle ne l’est déjà. A la précarité de leurs conditions de travail – de nombreux mineurs décèdent à la suite d’éboulements ou d’inondations de galeries – s’ajoutent en effet les conséquences à long terme de l’exposition à la pollution, qui engendre une recrudescence des maladies respiratoires et cardio-vasculaires. La violence et la consommation de drogues font également partie du quotidien des chercheurs d’or, parmi lesquels il n’est pas rare de retrouver des femmes et des enfants – privés de scolarité –, encore plus précarisés que les hommes.

 

Komboiro après Kaboré : l’alternance politique pour espérer voir une amélioration de la situation

 

« L’étendue de cette ruée vers l’or compromet sérieusement la santé de près de 10% de la population burkinabè, conclut Joseph Bohbot, et sacrifie une partie de sa jeune génération. (…) Cette situation est alarmante et appelle des réactions urgentes de la part de l’Etat ». L’immobilisme des autorités du pays est d’autant plus condamnable que le développement de l’orpaillage était un phénomène prévisible : cela fait, en effet, de nombreuses années que ce nouvel eldorado est apparu au Sahara, en se déplaçant – avec ses conséquences souvent néfastes – d’Est vers l’Ouest.

« L’émergence du front pionnier », selon l’expression consacrée chez les orpailleurs, a en effet eu lieu au Soudan, et ce dès 2011, avant de s’étendre au Darfour, puis tout au long de la bande sahélo-saharienne, au Tchad, en Libye, au Niger, en Mauritanie et jusqu’au Nord du Mali. Le tout, « sans contrôle, prenant les Etats au dépourvu (…), hors de tout cadre légal », rappelle le journaliste Rémi Carayol dans les pages de la dernière édition du Monde Diplomatique. Un développement anarchique qui n’empêche pas, selon le reporter, qu’à « court terme les effets de l’orpaillage semblent positifs pour l’économie » des pays concernés, l’activité ayant « un effet d’entraînement indéniable sur l’économie régionale ».

« A long terme (cependant), l’orpaillage pourrait rendre la vie impossible dans ces zones déjà très hostiles », et ce en raison des conséquences sociales et environnementales évoquées plus haut. Au Burkina Faso, les orpailleurs et les populations voisines des sites d’extraction semblent abandonnés à leur sort par le régime de Roch Marc Christian Kaboré, élu à la présidence de la République en 2015. Seule l’alternance politique, promise par le premier opposant au régime, Eddie Komboigo, semble en mesure d’assurer un meilleur avenir aux communautés touchées par le phénomène de l’orpaillage. En attendant, « les conditions de vie des travailleurs demeurent effroyables. Sur les sites d’orpaillage, on ne voit que la misère », déplore auprès du Monde Diplomatique un fonctionnaire des mines de la région.

Publié le 27 janvier 2020 à 19 h 22 min par Rédaction

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