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Côte d’Ivoire : Guillaume Soro, l’histoire d’une disgrâce

Côte d’Ivoire : Guillaume Soro, l’histoire d’une disgrâce

Visé par un mandat d’arrêt international, Guillaume Soro, mi-politique mi-barbouze de la politique ivoirienne aujourd’hui exilé en Europe, souhaite toutefois se présenter à la présidentielle qui doit avoir lieu en octobre 2020. Mais l’ancien protégé d’Alassane Ouattara, qui n’arrête pas de dégringoler depuis quelques années, pourrait devoir rapidement dire adieu à ses désirs présidentiels.

 

Alors que le 31 octobre prochain se tiendra l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, une question agite le pays : Guillaume Soro, le trublion de la politique nationale, ira ou n’ira pas ? S’il ne tenait qu’à lui, cet ancien proche d’Alassane Ouattara, l’actuel chef de l’Etat, non seulement se présenterait face aux Ivoiriens, mais irait s’installer directement sur le fauteuil présidentiel, sans en passer par le scrutin. A 47 ans, celui qui fut président de l’Assemblée nationale jouit d’une petite notoriété en Côte d’Ivoire ; il est aujourd’hui à la tête de son mouvement, Générations et peuples solidaires (GPS), grâce auquel il compte s’emparer de la présidence. Malheureusement, ses rêves de gloire ont tout l’air d’un chemin semé d’embûches. Celui-là même qu’arpente Guillaume Soro depuis quelques années, et qui l’a fait dégringoler de son piédestal plus qu’il ne l’a élevé.

 

Considéré par Alassane Ouattara comme un « fils politique », il commence à passer de l’ « autre côté » en 2015, lorsqu’il est soupçonné d’être impliqué dans l’ « affaire des écoutes » au Burkina Faso, qui aurait pu conduire au putsch (avorté) du général Diendéré. Certains, dans le giron présidentiel ivoirien, alertent sur le côté magouilleur et prêt à tout du personnage. Pourtant, Alassane Ouattara décide de placer sa confiance dans celui qui sera finalement visé par un mandat d’arrêt international, émis par Ouagadougou en janvier 2016. Quelques semaines auparavant, la justice française l’avait visé par un mandat d’amener (finalement levé) dans le cadre d’une instruction sur une plainte de Michel Gbagbo, le fils de l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo.

 

La défection des liens entre Ouattara et Soro n’interviendra qu’un an plus tard, après les mutineries de janvier et mai 2017, auxquelles le second aurait pris part. « Le chef de l’Etat est persuadé que Soro y est mêlé. La rupture est consommée », indiquent Vincent Duheim et Benjamin Roger dans un article publié par l’hebdomadaire Jeune Afrique (numéro des 12-18 janvier 2020). Malgré tout et en dépit des « tensions et la confiance rompue, le président espère jusqu’au dernier moment que Soro jouera un rôle actif au sein du RHDP [le parti présidentiel, ndlr] et qu’il acceptera de se mettre au service d’Amadou Gon Coulibaly, dont Alassane Ouattara veut faire son dauphin ». C’était sans compter sur le « destin présidentiel » du président de l’Assemblée nationale d’alors, qui est amené à quitter ses fonctions en février 2019 pour sédition.

 

Grandeur et décadence de Guillaume Soro

 

Depuis, l’ancien protégé du chef de l’Etat ne cesse de dégringoler. Les journalistes de Jeune Afrique mentionnent même des « réflexes de vie dans la clandestinité », qu’il aurait acquis lorsqu’il était membre de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) ou, quelques années plus tard, au sein de la rébellion des Forces nouvelles. Car « culture du secret, méfiance frisant la paranoïa, facilité à brouiller les pistes, tendance à cloisonner ses relations… ont toujours fait partie de son logiciel », disent-ils. Des « vieilles habitudes » avec lesquelles il est, de fait, obligé de renouer, puisque depuis le 23 décembre dernier, il est visé par un mandat d’arrêt international et contraint à l’exil en Europe depuis l’échec de son retour à Abidjan. Un retour qu’il préparait en vue de la présidentielle depuis de longs mois.

 

A charge, cette fois-ci, son implication présumée dans une tentative de déstabilisation de la présidence Ouattara. C’est en tout cas ce qu’a révélé le 26 décembre dernier le procureur de la République Richard Adou, qui a fait mention, notamment, d’un enregistrement, où l’on entend Guillaume Soro évoquer un « complot » pour attenter à l’autorité de l’Etat en deux parties : d’abord une opération de communication à l’étranger pour « jeter le discrédit sur le régime », puis une « insurrection civile et militaire ». Selon Jeune Afrique, des saisies d’armes dans des locaux abidjanais de Soro ont également été listées. Et le principal intéressé, qui a toujours nié son implication dans l’ « affaire des écoutes » burkinabé, a bien été contraint, cette fois-ci, de reconnaître l’existence de cette conversation.

 

Pas sûr, toutefois, que ce brin d’honnêteté suffise à racheter l’image de Guillaume Soro, un personnage haut en couleurs qui se fait d’ailleurs conseiller par Alexandre Benalla, ancien conseiller du président français, Emmanuel Macron, lui aussi tombé en disgrâce et qui tente depuis de « percer » sur le continent africain – ce qui n’est pas sans irriter les officiels des deux côtés de la Méditerranée. Le trublion de la politique ivoirienne, dont la « paranoïa » serait maladive, à en croire les journalistes de Jeune Afrique, et qui, de plus, aurait du mal à « structurer ses équipes », selon eux, peut-il réellement croire à son « destin présidentiel » ?

 

Le doute est permis. Du côté du RHDP, on nie toute tentative visant à « descendre » un potentiel candidat, qui n’a de toute manière pas franchement besoin d’aide pour se saborder tout seul.

 

Publié le 21 janvier 2020 à 15 h 10 min par Rédaction

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