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Air Sénégal trébuche, son directeur adjoint pointé du doigt

Air Sénégal trébuche, son directeur adjoint pointé du doigt

Air Sénégal, la jeune compagnie aérienne sénégalaise, vient d’encaisser deux coups durs: l’arrêt de ses avions pour une période de deux semaines d’une part, et d’autre part, des sombres révélations sur son directeur adjoint, Jérôme Maillet, recherché par la justice congolaise pour malversations.

 

C’est ce qui s’appelle un couac au démarrage. Le premier des deux ATR de la flotte d’Air Sénégal doit être prochainement envoyé à la base de maintenance du constructeur pour une réparation générale. Le second a, certes, pu redécoller pour desservir l’axe Dakar-Ziguinchor, en Casamance. Mais la nouvelle compagnie aérienne sénégalaise se serait bien passée des treize jours d’interruption de ses activités, du 7 au 20 juillet, due à des incidents techniques subis par ses appareils flambants neufs. Une immobilisation forcée, deux mois à peine après le lancement de ses vols commerciaux, qui soulève de vives inquiétudes dans un pays déjà échaudé par les échecs d’Air Sénégal international (2001-2009) et de Sénégal Airlines (2011-2016).

 

 

Philippe Bohn, le Monsieur Afrique d’Airbus, ne fait pas l’unanimité

 

Entièrement détenu par l’Etat Sénégalais, qui l’a capitalisé à hauteur de 40 milliards de francs CFA, Air Sénégal SA est la pierre angulaire d’un plan visant à faire du pays un hub aérien régional de premier ordre avec la construction du nouvel aéroport international Blaise Diagne (AIBD), inauguré le 7 décembre 2017, et la remise en état d’au moins quatre aéroports de province. Un nouvel échec aérien et aéroportuaire, après les ratés des deux premières tentatives, entamerait sérieusement cette politique ambitieuse concoctée par le chef de l’Etat Macky Sall alors que se profile l’élection présidentielle de 2019.

 

En attendant, c’est plutôt Philippe Bohn qui essuie les critiques. A 55 ans, cet ancien « Monsieur Afrique » d’Airbus a été nommé directeur général de la nouvelle compagnie par Macky Sall lui-même. Choisis pour son réseau d’influence et son expérience du terrain, Bohn ambitionne de faire d’Air Sénégal « une success-story du ciel africain ». Il mise sur une montée en gamme progressive qui passe en particulier par l’acquisition d’avions neufs, là où les jeunes compagnies aériennes privilégient généralement le crédit-bail ou leasing. Pour Bohn, cette stratégie permet d’envisager un développement à long terme, même si ses détracteurs remarquent qu’elle a montré ses limites dans le cas des incidents techniques ayant immobilisé les deux ATR. Mais le DG assume.

 

Ainsi, si Air Sénégal n’a aujourd’hui déployé ses ailes que pour une desserte domestique, la compagnie prévoit d’étoffer sa flotte avec un Airbus A320, pour assurer les vols moyens courriers dans la sous-région, mais aussi avec un A330 pour les vols internationaux, notamment à destination de Paris. Le gouvernement sénégalais a ainsi annoncé l’achat ferme – et sans appel d’offre – de deux Airbus A330 à plus de 300 milliards de francs CFA lors de la dernière visite d’Emmanuel Macron. Un empressement qui n’a pas manqué de surprendre les observateurs, car Air Sénégal ne prévoyait l’achat d’avions supplémentaires que dans la phase 2 de son plan de développement.

 

 

Jérôme Maillet recherché en RDC

 

Mais les médias sénégalais reprochent surtout au pavillon national de payer grassement ses collaborateurs, malgré un démarrage poussif pour une mise en œuvre qui a duré plus de deux ans. Des collaborateurs souvent recrutés à l’étranger, ce qui n’arrange rien. Air Sénégal aurait toutes les peines du monde à embaucher des pilotes nationaux qui, inquiets par la tournure prise par les événements, préfèrent se tourner vers les compagnies étrangères. La rumeur estime cependant que la direction préfère s’appuyer exclusivement sur ses réseaux. De fait, plusieurs cadres dirigeants Sénégalais ayant participé à la conception du projet ont finalement été écartés.

 

Rien d’étonnant donc si, pour la presse locale, la nomination de Jérôme Maillet a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Bombardé directeur-général adjoint, chargé de la stratégie et de l’investissement, le Français est pourtant recherché par la Justice congolaise pour une affaire de malversation et de détournement de fonds alors qu’il occupait des fonctions similaires chez Congo Airways, une compagnie aujourd’hui en faillite. L’homme aurait passé commande de fournitures auprès d’amis présumés, fournitures n’ayant jamais été livrées malgré l’argent décaissé. Sa nomination interroge sur l’opacité du mode de gouvernance d’Air Sénégal.

 

Et fait craindre le pire pour l’avenir de la compagnie qui aurait besoin d’autres atouts pour chasser les nuages qui obscurcissent son horizon.

Publié le 7 août 2018 à 16 h 30 min par Rédaction

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