Les professionnels tchadiens de la justice toujours en grève

Le Tchad est confronté à une nouvelle crise qui prend des accents judiciaires. Après la tentative d’assassinat contre un avocat et trois de ses clients qui venaient d’être relaxés, avocats, huissiers et notaires se sont mis en grève. Ils ont obtenu le renvoi du gouverneur où les faits se sont produits, mais ils demandent une épuration bien plus importante au sein de forces de l’ordre peu concernées par le respect du droit et de la démocratie.
Un bras de fer de la plus haute importance se joue actuellement au Tchad. Les professionnels de la justice (hors magistrats) sont en grève au moins jusqu’au 13 juin prochain après la tentative d’assassinat dont un avocat a été l’objet. Les faits se sont déroulés le 22 mai dernier à la sortie du tribunal de Doba (sud). Maître Doumra Manassé raccompagnait en voiture trois clients relaxés par la justice lorsque sa voiture a été prise pour cible par des tirs de la gendarmerie.
La fusillade n’a pas fait de victime, mais elle montre que l’Etat de droit est loin d’être respecté par tous dans le pays. Sous la pression, le gouverneur de la région a été limogé par décret présidentiel, mais la gravité des faits impose que tous les responsables de cette attaque soient mis à pied. C’est le sens des revendications de avocats, notaires et huissiers qui continuent le mouvement de grève entamé le 31 mai. Maître Alain Kagonbe, membre du barreau de l’ordre des avocats explique : « Aujourd’hui, ils ont tiré au palais de justice. Demain, ils iront tirer à l’Assemblée nationale et les jours suivants, ils vont tirer à la présidence de la République. Est-ce que ça doit attendre ? Est-ce que le gouverneur, le commandant de Légion, son adjoint et le commandant de la compagnie bénéficient de l’immunité ou bien sont- ils tellement puissants ? Quel que soit votre groupe, un Etat est au-dessus de toute corporation, de tout groupuscule ».
Cette sortie médiatique très diplomate avec le pouvoir est toutefois forte. Une part de plus en plus importante de la population tchadienne refuse la manière dont évolue le pays depuis plusieurs mois. La contestation par les professionnels de la justice constitue une nouvelle pierre dans le jardin de l’exécutif. Bien des clignotants sont dans le rouge et la contestation sociale n’a besoin que de quelques étincelles pour s’embraser. Dans ce contexte, l’Etat prendra-t-il le risque de rester sourd aux revendications des personnels de la justice ?
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