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Famine, épidémies, crise politique… en silence, la RDC s’enfonce dans le chaos

Famine, épidémies, crise politique… en silence, la RDC s’enfonce dans le chaos

La République Démocratique du Congo est l’un des États africains les plus surveillés par la communauté internationale tant les problèmes s’accumulent depuis plusieurs années et risquent d’embraser le pays. Une nouvelle épidémie de choléra et une quasi-famine qui touche plus de 7 millions de Congolais viennent fragiliser une RDC déjà en proie à de graves difficultés, sur fond d’élections qui n’arrivent toujours pas. Le chaos guette et les Congolais retiennent leur souffle.

La RDC connaît-elle un alignement des planètes particulièrement hostile en ce moment ? Les lourds problèmes s’accumulent et entraînent la population dans une crise qui pourrait dégénérer en guerre civile si les réponses tardent à venir. L’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a tiré la sonnette d’alarme à la mi-août dans un rapport corédigé avec le Programme alimentaire mondial. 7,7 millions de Congolais ont aujourd’hui besoin d’une aide humanitaire d’urgence, soit une hausse de 30 % par rapport à 2016.

 

Une crise humanitaire et sanitaire touche la RDC

La dégradation de la situation est due à plusieurs facteurs, à commencer par une invasion de chenilles légionnaires qui ont détruit de très nombreuses récoltes. À cette catastrophe naturelle s’ajoute un conflit humain avec des troubles dans plusieurs territoires du pays avec en premier lieu le Kasaï et le Tanganyika, « où les actes de violence se sont généralisés » selon le dernier rapport de l’ Organisation des Nations Unies.

Dernier exemple en date de cette violence inouïe, le viol d’une femme par son beau-fils, sous la contrainte de rebelles qui par la suite les ont exécuté. Un acte d’une rare barbarie, narré par des observateurs impuissants et auquel le gouvernement de la RDC ne semble pas apporter de réponse immédiate.

Dans un communiqué, l’ONU déplore également que « dans les régions touchées par les conflits, les agriculteurs aient vu leurs villages et terrains se faire piller. Ils n’ont pas pu planter lors des deux dernières campagnes et les marchés alimentaires ont du mal à combler leurs besoins alimentaires ». Les conflits qui provoquent des mouvements de populations de grande envergure puisqu’ils ont concerné au moins 1,4 million de personnes en 2016.

Des migrations internes, des conditions sanitaires qui se dégradent et une épidémie de choléra violente qui a déjà touché dix-huit des vingt-six régions que compte le pays. 501 décès ont été recensés depuis le début de l’année pour plus de 21 000 contaminations. L’année dernière, plus de 700 décès provoqués par la choléra avaient été déplorés et la dynamique actuelle laisse craindre une année 2017 bien plus mortelle encore.

 

RDC : des élections reportées

Les clignotants sont au rouge et l’État est aux abonnés absents. Les autorités sont empêtrées dans un imbroglio politique qu’elles ont elles-mêmes créé et ce sont les bonnes volontés à l’international qui essayent de récolter des fonds pour assurer la survie de populations entières. Seuls 25 millions de dollars sur les 64 millions jugés nécessaires pour stopper cet état de quasi-famine sont sur la table. Le pays manque de tout et ne peut compter sur un pouvoir qui s’enfonce dans une crise politique sans précédent.

Contesté, le régime s’accroche malgré la multiplication des manifestations. La République Démocratique du Congo est désormais dirigée par un chef d’État sans mandat légitime et qui était censé rendre les clés du Palais présidentiel. Joseph Kabila, fils de Laurent-Désiré Kabila auquel il a succédé à la tête du pays en 2001 n’a pas quitté le pouvoir fin 2016 comme cela était prévu légalement et refuse la tenue d’élections pour garder le contrôle d’un territoire qui lui échappe peu à peu. Le 31 décembre 2016, la majorité et l’opposition avaient signé un accord dit de la Saint-Sylvestre qui devait aboutir à un renouvellement du pouvoir au cours de l’année 2017. Or, depuis ces accords, rien ne s’est passé comme prévu. Joseph Kabila a multiplié les actions pour retarder la tenue d’élections présidentielles.

Aujourd’hui, le délai de 90 jours entre la convocation du corps électoral et la tenue des élections au 31 décembre est largement dépassé. En clair, il n’y aura pas d’élections présidentielles cette année en RDC. « Les paramètres en notre présence nous donnent plus ou moins des raisons de penser qu’en décembre, il ne sera probablement pas possible de tenir [les élections générales, NDLR] à cette date» avançait déjà en juillet Corneille Nangaa, président de la Commission nationale indépendante (Céni) dont l’indépendance est uniquement nominale. Avançant les risques sécuritaires, la Commission, proche du pouvoir en place, a fait savoir qu’aucun scrutin ne pourra se tenir cette année en raison des violences dans plusieurs régions.

Des violences qui pourraient pourtant exploser si le gouvernement refuse aux Congolais le droit de voter librement. Dès lors, le cercle vicieux est en place. Malgré toutes les attentions de l’opposition pour ne pas sombrer dans la contestation armée, la perspective d’une lutte pacifique s’éloigne à chaque répression musclée du pouvoir. Les manifestations se multiplient dans toutes les villes du pays, auxquelles les autorités répondent par l’assassinat de plusieurs dizaines d’émeutiers sous les tirs de la police. De simples « balles perdues » pour reprendre la terminologie des forces de l’ordre…

 

La mégalomanie dangereuse du président Kabila

Face au marasme, la situation ne semble pas se diriger vers une résolution heureuse.

Les experts internationaux craignent déjà que les accords de la Saint-Sylvestre ne seront pas respectés. Parallèlement, Moïse Katumbi, principale figure de l’opposition en exil, envisage un « retour imminent » malgré les risques qui pèsent sur sa personne. L’ancien gouverneur de la région du Katanga et personnalité la plus en vue du pays est persécuté par la justice congolaise qui semble prendre directement ses ordres au Palais présidentiel. En exil, mais pas mutique, Katumbi veut mobiliser les acteurs de la communauté internationale.

D’abord à l’ONU, où il a mis en avant les risques d’un maintien au pouvoir pour l’économie et le bien-être du pays. Mais également sur France 24 où dans un entretien fleuve durant lequel il a délivré sa vision de la crise. Et si le présidentiable souhaite ardemment pour le bien de son pays le départ de Joseph Kabila, celui-ci ne semble pas cultiver l’esprit de revanche. « Mon but est de réformer la RDC, pas de m’en prendre à l’ex-président » a-t-il déclaré durant un sommet du Financial Times consacré à l’Afrique. Une vision constructive honorable, mais qui se bute au silence de Joseph Kabila. En effet, le nœud de la crise est bien politique et à ce jour, aucun signe d’amélioration ne semble poindre.

Inlassablement, Kinshasa dérive sous le regard inquiet d’une communauté internationale qui n’assume pas ses responsabilités. De sorte que si le président Kabila ne se retire pas très vite, il n’y aura plus rien à sauver de la République démocratique du Congo.

Publié le 12 octobre 2017 à 13 h 29 min par Rédaction

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