Présidentielles au Tchad : le compte à rebours a commencé

Comme nombre de pays du continent, le Tchad devra en 2016 élire son nouveau président. La Céni qui prend en charge l’organisation du scrutin a révélé le calendrier électoral, ainsi que l’ensemble de procédures engagées afin d’assurer des élections libres aux citoyens tchadiens. Le premier tour aura lieu le 10 avril et le second tour, le 9 mai. Alors que les dépôts de candidatures sont censés se dérouler du 10 au 29 février, déjà, nombre de candidats ont manifesté leur volonté de concourir, afin de mettre en branle leur campagne.
Une élection transparente
Les tchadiens ont été informés de la dernière série de procédures menant à l’élection présidentielle de 2016. A la demande de l’opposition, ce scrutin sera étroitement contrôlé par une institution indépendante afin d’écarter tout risque de fraude. Celle-ci a décidé de sortir de sa politique de la chaise vide, et de se lancer dans l’arène pour ce vote. Elle a cependant exigé en amont un certain nombre de garanties qui ont été gracieusement acceptées par la présidence. Ainsi, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a procédé au premier recensement biométrique national du Tchad, lancé le 26 octobre 2015, et compte 6 260 000 électeurs inscrits sur la liste électorale. Le chronogramme des élections présidentielles, rendu public le 25 janvier, prévoit que les délégués de la Céni seront déployés sur le terrain en vue de l’affichage des listes électorales. 16 jours seront accordés aux citoyens inscrits pour faire des réclamations, afin de rectifier, puis valider les listes.
Les opérations postélectorales, à savoir le dépouillement du scrutin, le traitement et la proclamation des résultats provisoires, jusqu’à la décision du conseil constitutionnel, débuteront le 9 avril et prennent fin le 8 mai 2016. Dans l’éventualité d’un deuxième tour, la campagne électorale commencera le 20 mai 2016. Suivant la même procédure, le déroulement du scrutin du 2ème tour aura lieu le 22 mai 2016. Et le verdict du conseil constitutionnel pour ce 2ème tour sera connu le 14 juin 2016. C’est cet ensemble de mesures qui a convaincu l’opposition de revenir dans la course, malgré une habitude du boycott – et des résultats très faibles dès lors qu’elle avait participé. En 2011, le président sortant, Idriss Déby Itno avait été élu dès le premier tour avec un score de 88,26 %. A l’aune de ce contrôle renforcé, elle pense pouvoir faire mieux. La Céni accorde 20 jours pour les candidatures – une période qui débute le 10 et prend fin le 29 février. Pourtant, afin de gagner du temps et de la visibilité, les annonces de campagne ont déjà commencé.
L’opposition se lance dans la course…
Les premiers candidats à avoir fait connaitre leurs ambitions présidentielles sont Kassire Coumakoye, Malloum Yobodé ou encore Clément Djimet Bagaou. Ils ont été rejoints par M. Moussa Mahamat Idriss, un inspecteur du Trésor âgé de 39 ans, et de Mme Yaya Batit. Elle est la première femme candidate à la magistrature suprême dans ce pays. Le nombre croissant de candidats de poids variable empêche une vraie visibilité quant au scrutin, aux programmes et aux dynamiques à venir.
Pour beaucoup d’observateurs, il n’y a pas d’illusions à se faire, la seule figure qui surnage est le président sortant. Idriss Deby Itno, au pouvoir depuis 25 ans, a été désigné le 6 février comme candidat de son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS), après un suspense assez faible. En 2004, il avait en effet modifié la Constitution, qui limitait le nombre de mandats présidentiels à deux, et a été réélu triomphalement à chaque échéance depuis. Il devra cette fois faire face à une opposition décidée à participer au jeu électoral.
En effet, en accordant à ses opposants de mettre en œuvre un contrôle indépendant du vote, et un fichier biométrique, Déby a ouvert la voie à un vote transversal. Mais cet appel d’air a entraîné une multiplication des candidatures un peu fouillis, qui à terme devrait desservir une opposition qui peine à se mettre en ordre de bataille.
… Mais reste fragile face au bilan d’Idriss Déby
Ainsi, les différents partis qui la composent abordent la présidentielle en ordre dispersé. Si après 25 ans, certains observateurs estiment qu’un changement de leadership ne serait pas malvenu, « personne ne semble vouloir prendre le risque de l’incarner ». Le principal enjeu pour l’opposition tient dans la capacité qu’elle aura à se rassembler, ou non. « Personne ne peut prétendre y aller seul », martèle Kebzabo, qui compte jouer de sa position de vétéran, meneur naturel. Position remise en cause par à peu près tous les autres candidats. Autre difficulté : il est difficile de passer après Déby. Alors que les caisses de l’État sont vides, en raison notamment des efforts de guerre et de la chute des cours du pétrole, la ligne politique est délicate à tenir. Or, l’actuel président peut se vanter d’un bilan positif, malgré la conjecture, et même d’un redressement de la situation dans l’un des pays les plus pauvres d’Afrique.
La sécurité reste un défi majeur au Tchad et peut également beaucoup peser dans la balance électorale. Le pays subit de plein fouet les attaques des combattants du groupe islamiste nigérian Boko Haram, affilié à l’organisation Etat islamique, dans le bassin du lac Tchad et dans la capitale Ndjamena. Le pays est en état d’urgence depuis novembre. La réponse ferme et intelligente de l’état, combattant à la fois les djihadistes sur le terrain, l’infiltration de son territoire mais aussi les causes de la montée du fondamentalisme (chômage, désertification, non scolarisation…) a porté ses fruits. Idriss Déby a également pris des mesures courageuses, contraignantes, qui ont parfois bouleversé le quotidien des habitants, mais qui ont sauvé de nombreuses vies. Alors qu’aujourd’hui, peu de candidats semblent faire preuve d’une vision globale du problème, aucun, pour l’heure, ne semble en mesure de relever le défi comme Déby l’a fait.