L’opposition face à la candidature de Paul Kagamé

Lors de l’allocation des vœux adressés à la nation pour le Nouvel An, le président rwandais Paul Kagamé a annoncé qu’il présentera sa candidature à la prochaine élection présidentielle prévue en 2017. S’il remporte le scrutin, il entamera un troisième mandat sans s’épargner un certains nombre de critiques.
Afin de pouvoir se présenter pour une troisième fois consécutivement devant les électeurs Paul Kagamé a dû attendre une révision de la Constitution. L’ancienne norm suprême limitait le nombre de mandats consécutifs à deux, tandis que la nouvelle version, approuvée lors du référendum du 18 décembre par 98,4 % lève cette limitation. Plus que cela, elle diminue le mandat de sept à cinq ans, mais seulement après le prochain septennat « intermédiaire » qui s’achèvera en 2024. De plus, un article de la nouvelle loi stipule que le président en exercice peut présenter sa candidature en 2024 et même en 2029.
Perçue comme une amplification du régime autoritaire et critiquée notamment par les Etats-Unis, cette révision de la Constitution a été présentée par le gouvernement comme une initiative du peuple. A l’été 2015 le pouvoir a déclaré avoir reçu 3,7 millions de pétitions de la part des Rwandais qui demandaient de réviser la loi constitutionnelle. En novembre dernier le Parlement a voté la modification de la Constitution, ce qu’a approuvé la majorité de la population à travers le référendum.
C’est ainsi que justifie sa décision Paul Kagame: « Vous m’avez demandé de diriger à nouveau ce pays après 2017. Étant donné l’importance que vous y accordez, je ne peux qu’accepter ». « L’unité de ce peuple est inébranlable et le travail de construction de la nation continue à allure régulière », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, il y a encore 6 ans, le président qui a retourné le pays à la paix depuis le génocide de 1994 ayant fait plus de 800 000 morts, estimait que ce serait un échec de ne pas trouver un successeur. « Ceux qui cherchent un troisième mandat en cherchent un quatrième puis un cinquième », disait-il à l’époque et s’est trouvé avoir raison.
Сette politique contradictoire a déjà fait objet de critiques et de regrets. Entre autres, Boniface Twagirimana, le Vice-président du parti d’opposition les Forces démocratiques unifiées (FDU), a témoigné de sa déception :« Chaque président qu’il y a eu au Rwanda a cette habitude de rester au pouvoir jusqu’à ce qu’il soit expulsé par la violence, nous regrettons donc vraiment que le FPR abonde dans le même sens, alors que le pouvoir en place de Kagame critiquait ça des régimes précédents ». Certains opposants à la réforme, dont le Parti démocratique vert, ont considéré que le délai entre la décision du Parlement et le référendum était trop court pour mener une campagne contre la modification de la Constitution.
D’autres doutent du fait que le oui à la réforme constitutionnelle était une vraie demande de la population et accusent le parti du Président Le Front patriotique rwandais d’avoir manipulé la société. Quoi qu’il en soit, Kagame peut d’ores et déjà fourbir ses armes pour les élections de l’année à venir.