RDC : vers une modification du calendrier électoral?

La Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo s’est prononcée sur la question des blocages relatifs aux élections à venir. Elle a ordonné à la Céni d’organiser l’élection des gouverneurs avant le prochain scrutin des provinciales prévu en octobre, ouvrant la voie à un possible report du cycle électoral qui doit mener à l’élection d’un nouveau président fin 2016. Scénario redouté depuis des mois par l’opposition et certains observateurs pensent qu’il s’agit d’une manœuvre du clan Kabila.
La Cour constitutionnelle congolaise a décidé mardi dans un arrêt rendu public lors d’une audience à Kinshasa que les élections des gouverneurs des provinces nouvellement créées en République démocratique du Congo aient lieu “impérativement” avant le premier scrutin devant ouvrir ce cycle d’une dizaine de consultations populaires, et dont le début est programmé en octobre. En attendant l’élection des nouveaux gouverneurs, la cour exige du gouvernement qu’il prenne “des mesures transitoires exceptionnelles” pour remplir le vide juridique à la tête des 21 nouvelles provinces. Le président Joseph Kabila avait promulgué en février une loi créant 21 nouvelles provinces. Les gouverneurs et vice-gouverneurs de ces entités devaient être élus en octobre mais la Commission électorale nationale indépendante (Céni), face à l’impossibilité d’organiser ces élections avait choisi de saisir la Cour constitutionnelle.
Pour le porte-parole du gouvernement Lambert Mendé, il s’agit d’une décision de bon sens : “La Commission électorale nationale indépendante devra se réunir pour essayer d’examiner à son niveau la problématique qui a été créée par l’insertion d’un nouveau point à son calendrier, car, dans ce calendrier n’existait que l’élection des gouverneurs définitifs. Or, maintenant, la Commission avait inscrit un point d’élection des gouverneurs provisoires. Donc, c’est un problème qui nécessite une évaluation, selon le point de vue de la cour, qui est tout à fait marqué au coin du bon sens le plus élémentaire, mais en dehors de cela le gouvernement n’est pas fondé à commenter les décisions d’une cour de justice.”
Les gardiens de la Constitution ont donné l’ordre au gouvernement de débloquer au plus vite les fonds pour que la Céni puisse organiser cette élection des gouverneurs. En attendant, l’exécutif est autorisé à prendre des mesures exceptionnelles pour combler le vide juridique à la tête de ces 21 nouvelles provinces. Pour respecter l’arrêt de la Cour, la Ceni doit donc organiser les élections des gouverneurs dans les six semaines, puisque le calendrier électorale a fixé au 25 octobre les provinciales. Un délai qui paraît bien court. Si elle n’y parvenait pas, c’est l’ensemble du processus qui serait décalé. Et avec lui, la date des prochains élections présidentielle et législatives pour le moment prévues le 27 novembre 2016. La grande question désormais est donc jusqu’où va aller le glissement ? D’autant plus que les Sages ont ordonné à la commission électorale de revoir l’ensemble du calendrier électoral jusqu’à la tenue de la présidentielle en 2016.
Par ailleurs, dans même Arrêt, la Cour constitutionnelle “ordonne” aussi au gouvernement de “prendre sans tarder des dispositions transitoires exceptionnelles pour faire régner l’ordre public, la sécurité et assurer la régularité ainsi que la continuité des services publics dans les provinces concernées par ces élections”. Le parti d’opposition l’Union pour la nation congolaise (UNC) dénonce, lui, l’opportunité donnée par la cour au chef de l’Etat de nommer directement les gouverneurs provisoires, mais surtout en demandant à la Commission électorale de réévaluer l’ensemble du calendrier, la cour entérine le glissement du processus électoral souhaité par le pouvoir, s’indigne Jean-Bertrand Ewanga, secrétaire général de l’UNC : “La Cour constitutionnelle, qui est le dernier rempart des institutions de notre pays, vient de trébucher, c’est-à-dire de faire le jeu du gouvernement. Là nous ne sommes pas d’accord, elle n’est pas compétente pour statuer sur une telle question.”
Aux termes de la Constitution, le président Kabila, au pouvoir depuis 2001, ne peut briguer un troisième mandat lors de la présidentielle prévue pour novembre 2016 mais il entretient le doute sur son avenir politique et ses intentions. La RDC traverse une crise politique depuis la réélection de M. Kabila en 2011 à l’issue d’un scrutin marqué par des fraudes et des irrégularités massives. L’opposition et une partie de la majorité accusent le clan présidentiel de comploter pour permettre au chef de l’État de rester au pouvoir au-delà du terme de son mandat, entre autres en retardant la tenue de l’élection à la magistrature suprême.
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