Le groupe pétrolier Soco soupçonné de corruption en RDC

L’ONG Global Witness accuse l’entreprise britannique d’avoir payé plusieurs dizaines de milliers de dollars, un officier militaire congolais responsable d’exactions et de menaces à l’encontre d’opposants à l’activité d’exploration pétrolière de Soco dans le parc naturel des Virunga, dans l’est du pays. Elle est la seule à avoir procédé à des opérations d’exploration au cœur du site classé au patrimoine mondial de l’Unesco et qui héberge des espèces rares de gorilles.
La compagnie pétrolière Soco International aurait versé des dizaines de milliers de dollars à un officier de l’armée congolaise, accusé d’avoir mené une campagne d’intimidation brutale contre les opposants au projet de forage au coeur du parc des Virunga, selon l’ONG Global Witness. L’organisation non-gouvernementale britannique publie sur son site internet la reproduction de quatre chèques émis par Soco le 15 mai 2014 au bénéfice d’un major des Forces armées de la RDC posté au sein de cette réserve naturelle de l’est du pays pour un total de 15.600 dollars. Global Witness publie également ce qu’elle présente comme un reçu signé de l’officier pour ces quatre chèques, ainsi qu’un autre, daté du 30 mai 2014, par lequel le major accuse réception d’un montant de 26.650 dollars supplémentaires. L’enquête fait état de 42 250 dollars , soit l’équivalent de 30 ans de salaire, pour un major de la marine congolaise.
“Ces documents montrent qu’en dépit de ses dénégations répétées, Soco a payé des dizaines de milliers de dollars à un officier de l’armée accusé d’avoir soudoyé et intimidé ceux qui s’opposent à l’exploration pétrolière dans l’un des joyaux naturels de l’Afrique. Ces paiements ne sont peut-être que la pointe de l’iceberg”, explique l’ONG dans un communiqué. Jusqu’à présent Soco avait toujours refusé de reconnaître avoir versé de l’argent au major Burimba Feruzi et à ses hommes — officiellement placés auprès de la compagnie par les Forces armées de RDC pour assurer la sécurité des employés. En particulier au moment des opérations d’exploration sismique sur le lac Edouard au printemps 2014.
Interrogé par Global Witness sur l’existence de ces versements, Roger Cagle, vice-PDG de SOCO, a répondu que “ni lui [major Feruzi] ni aucun autre soldat n’ont jamais été employés par SOCO. Tous les ordres reçus [par les soldats] émanent du gouvernement congolais. […] De plus, tous les arrangements financiers ont entièrement été pris en accord avec le gouvernement, et en toute transparence.” La compagnie a publié mercredi les conclusions d’une enquête menée à sa demande par le cabinet d’avocats Clifford Chance : “Clifford Chance a étudié les accusations formulées à propos des activités de Soco (…) et a conclu que les accusations de corruption étaient largement inexactes”, a expliqué l’entreprise dans un communiqué, avant d’ajouter que “l’entreprise avait financé diverses autorités gouvernementales (comme des escortes militaires et des gardes forestiers) dans le cadre d’activité légales et légitimes” en partenariat avec le gouvernement de RDC.
L’ONG affirme également avoir d’autres documents qui attestent que Soco payait les salaires de soldats postés près de la base opérationnelle de l’entreprise dans le parc des Virunga. Durant cette chaîne d’évènements, où deux pêcheurs opposés à l’exploration pétrolière de cette entreprise ont été tués – selon des témoins interrogés par Global Witness, par des militaires payés par l’entreprise britannique. Pour l’ONG, Soco est responsable civilement des exactions qui auraient pu être commises par des soldats qu’elle payait, et des poursuites judiciaires sont requises. Dans la région, il semble en effet que le major Feruzi et ses hommes soient bien connus pour leurs méthodes. Des témoignages recueillis par des ONG et par des journalistes de la BBC font état de menaces et de coups reçus par des défenseurs de l’environnement. Des pêcheurs qui tirent leur subsistance du lac Edouard, ont déclaré avoir été détenus en voulant s’opposer aux activités de SOCO.
Les pratiques présumées du major Feruzi ont été filmées lors du tournage du documentaire Virunga, financé par Leonardo Dicaprio et nommé lors de la dernière cérémonie des Oscars. La journaliste française, Mélanie Gouby a mené l’enquête en caméra cachée, et ce sont les images qu’elle a récupérées, montrant l’officier de l’armée congolaise offrir une somme de 2640 euros (3000 USD) à un garde du parc afin de faciliter l’accès de la compagnie au coeur du dernier refuge des gorilles de montagne au monde qui a mis la puce à l’oreille de l’ONG.
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