Un troisième mandat pour Kagame?

Le parlement du Rwanda a annoncé avoir reçu près de deux millions de signatures de citoyens rwandais, plaidant en faveur d’une réforme de la Constitution qui permettrait à l’actuel président, Paul Kagame de briguer un troisième mandat en 2017. Elle limite en l’état chaque candidat à deux mandats .
Au Burundi, la tentative d’imposer un troisième mandat pour le président Pierre Nkurunziza provoque depuis un mois un vaste mouvement de contestation populaire. Au Congo, l’annonce a également provoqué à une véritable levée de boucliers. Dans le Rwanda voisin, l’atmosphère est tout autre. Le Parlement rwandais va semble-t-il examiner, au cours de l’été 2015, l’éventualité d’une réforme de la Constitution visant à l’autoriser à se présenter une troisième fois à l’élection présidentielle de 2017. À la radio et dans la presse, les tribunes et les commentaires se succèdent pour demander une réforme constitutionnelle permettant son maintien à la tête de l’État. Kagame lui-même est resté évasif sur la question de sa réélection et s’en est remis au choix du peuple qui reste déterminant à ses yeux.
“Nous avons reçu autour de deux millions de demandes de citoyens”, soit 17 % de la population rwandaise, plaidant pour un troisième mandat présidentiel, a précisé Donatilla Mukabalisa, présidente de la Chambre des députés. Selon Mukabalisa, cela fait déjà quelques mois que ces demandes de révision de l’article 101 de la Constitution, qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux, ne cessent d’affluer de façon spontanée, sur les bureaux de l’hémicycle. Ces demandes émaneraient d’individus, de groupes d’individus ou d’associations qui envoient des lettres ou se présentent en personne.
Les dépositaires louent les réalisations du président Kagame, telles que ses succès économiques, ainsi que le retour à la paix qui avait mis fin au génocide de 1994 ayant fait environ 800.000 morts. Les deux chambres composant le Parlement – toutes deux dominées par le parti au pouvoir FPR (Front patriotique rwandais) – se prononceront sur les suites à donner à ces pétitions en séance plénière entre le 5 juin et le 4 août, a précisé la présidente de la chambre des députés. Demandes spontanées ou pas, elles permettent d’ouvrir et d’habituer à l’idée d’une modification de la constitution, ce qui fait craindre qu’on assiste aux prémices d’une campagne qui ne dit pas son nom.
Des voix s’élèvent déjà pour dénoncer ces pétitions en masse que certains soupçonnent d’être initiées et forcées par le pouvoir en place. Pour René Mugenzi, militant rwandais des droits de l’homme exilé en Grande-Bretagne, ce n’est qu’une “mise en scène” du parti au pouvoir. Selon lui, beaucoup de Rwandais sont contraints de signer ces pétitions au risque d’être mis au ban de la société. Parmi les rares voix dans le pays à oser critiquer, Bernard Ntaganda, un opposant qui vient de purger une peine de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat et divisionnisme, dénonce une absence de liberté d’expression et nie toute pertinence de ces pétitions.
La communauté internationale, bien que reconnaissant les avancées du Rwanda sous le pouvoir de Kagame, accuse tout de même celui-ci de diriger le pays d’une main de fer. Elu en 2003 et en 2010, Kagame a été Vice-président et ministre de la Défense après le génocide. Il tenait en réalité déjà alors les rênes du pays, avant d’être élu président en 2003 avec 95 % des voix, et réélu tout aussi triomphalement (93 %) en 2010. ais au Rwanda, les voix qui s’élèvent affichent une quasi-unanimité : sans Kagame, c’est l’inconnu, potentiellement le chaos.
Convaincu de la bonne foi de Paul Kagame, un journaliste basé à Kigali explique dans les colonnes du journal ougandais The New Vision pourquoi il est indispensable que le président poursuive sa mission. “Vu la contribution de Kagame au maintien de la paix au niveau régional comme à l’intérieur des frontières rwandaises, personne ne conteste qu’il est un faiseur de paix. Par ailleurs, la sécurité de la région est menacée, estiment les observateurs au regard des guerres récentes au Soudan du Sud, en RDC et en Somalie. Or si Kagame prenait sa retraite l’insécurité pourrait s’étendre au Rwanda.”