Le coup d’Etat raté de Godefroid Niyombare

Le général burundais Godefroid Niyombare, qui a proclamé mercredi la destitution du président Pierre Nkurunziza, a annoncé avoir pris le pouvoir. Limogé en février de ses fonctions de chef des renseignements, il avait profité de l’absence du président, en déplacement en Tanzanie pour un sommet régional sur la crise que traverse son pays depuis plus de plusieurs semaines. Deux jours après, le coup d’Etat a été déjoué.
“Le président Pierre Nkurunziza est destitué de ses fonctions, le gouvernement est dissous”, avait annoncé, sur les ondes de la radio privée Insaganiro, le général Godefroid Niyombare. Il avait également annoncé la dissolution du gouvernement et la mise en place d’un comité de transition “pour le rétablissement de la concorde nationale, ayant pour mission entre autres le rétablissement de l’unité nationale.” Le général, ancien chef des services secrets est peut être allé un peu vite en affaire. C’est en tout cas ce qu’il apparaît, alors que trois des généraux impliqués dans le putsch de mercredi ont été arrêtés, que leurs forces ont été défaites, et que lui-même est en fuite. “ Nous avons accepté de nous rendre, j’espère qu’il ne vont pas nous tuer,” avait-il auparavant déclaré à l’AFP.
Tout s’est joué lors de la bataille pour le contrôle de la radio-télévision nationale. Les forces du général Niyomba tentaient depuis l’aube jeudi de s’en emparer a nouveau après sa reprise par les forces loyalistes. Les tirs ont redoublé juste après la diffusion d’une allocution téléphonique du président Nkurunziza promettant le pardon aux putschistes qui déposeraient les armes. Réunie en urgence en Ethiopie ce jeudi, l’Union africaine, ainsi que les chefs d’Etat de la Communauté est-africaine (EAC), dans une déclaration lue par le président tanzanien Jakaya Kikwete, ont condamné le coup d’Etat et à appeler au rétablissement du dialogue politique. Après deux jours de confusion et de violents combats, c’est finalement les armes qui ont eu raison de cette tentative d’éviction du président.
“Le chef des putschistes s’est vu peut-être un peu trop beau, il pensait avoir le soutien de l’armée et on s’est rendu compte au bout des heures qui passaient, que seule une petite frange de l’armée était vraiment derrière lui.” journaliste au magazine Jeune Afrique, et spécialiste du Burundi. Cet officier supérieur de l’armée, âgé de 46 ans, n’est pas pour autant n’importe qui. Il est le premier hutu (l’ethnie majoritaire) à devenir, en 2009, chef d’état-major de l’armée burundaise. Il a longtemps été un proche de Pierre Nkurunziza, – notamment au sein du commandement des ex-forces rebelles du CNDD-FDD. Elément central du régime, il est pourtant tombé en disgrâce en 2013 après avoir commencé à prendre ses distances avec Nkurunziza.
Cet échec a étouffé dans l’œuf ce que certains avaient appelé le scénario burkinabé – c’est-à-dire, voir l’armée prendre le pouvoir des mains du président pour le confier au peuple. Alors que les policiers apparaissent comme nettement acquis au pouvoir, les militaires passent pour être plus neutres et se sont régulièrement interposés entre la police et les manifestants. Ces derniers jours, le chef d’état-major avait à plusieurs reprises réaffirmé la neutralité de l’armée et a appelé le gouvernement à respecter les droits des Burundais.
Il n’est pas pour autant acquis que la contestation s’arrête sur ces faits. En effet, le putsch avait été accueilli très favorablement par une partie de la population. De nombreux manifestants étaient descendus dans les rues pour applaudir les militaires chantant l’hymne national, puis avaient gagné la place de l’Indépendance jusqu’à présent interdite aux opposants au régime. La diffusion du message du général Godefroid Nyombare sur la RPA, la radio privée la plus écoutée du pays, avait encore renforcé la détermination et le nombre des personnes dans les rues, et l’echec de la voie militaire n’a pas fait baisser les bras à une opposition excédée. La crise politique avait été déclanchée le 26 avril dernier, par la décision du président de briguer un troisième mandat, en dépit de la constitution.
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